Symbolistes et Décadents. Gustave Kahn

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Symbolistes et Décadents - Gustave Kahn

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comme inspirateurs et rédacteurs en chef. Félix Fénéon s'étant presque immédiatement retiré, M. de Wyzewa en demeura le principal moteur et y appliqua ses idées qui consistaient à y faire écrire des écrivains déjà nantis du succès, mais pas encore accueillis par le triomphe. On y voulait servir cette idée du bourgeois lettré que nous indiquions plus haut, que le Mouvement nouveau comprenait Goncourt et Verlaine et Mallarmé, et M. Anatole France, et M. Robert de Bonnières, et M. Octave Mirbeau, en somme ceux que le journalisme littéraire ne mettait pas en première ligne. Il y avait d'ailleurs, à cette époque, un groupe de romanciers psychologues qu'on réunissait dans une sorte de communion intellectuelle, Bourget, Bonnières, Hervieu, Mirbeau, il y avait Huysmans un peu à part, Becque très à part, dont l'heure allait approximativement sonner avec les débuts d'Antoine. M. Anatole France n'avait pas encore pris tout son développement ni toute l'ampleur de sérénité qui ont mis si haut son génie ardent et calme. C'était l'auteur gracieux de Sylvestre Bonnard, et le critique littéraire, le meilleur d'un temps où ils ne furent pas extraordinaires; on peut penser sans injustice que chez M. Anatole France, le critique des faits, l'historien de la vie contemporaine, selon la belle méthode neuve qu'il s'est instaurée et l'écrivain original sont plus importants que le critique littéraire. Il était englobé dans cette conception de revue, à côté des précurseurs du symbolisme, déjà connus au moins de nom du grand public, Mallarmé et Verlaine, et que Villiers de l'Isle-Adam, qu'admettaient ou plutôt qu'admiraient tous les novateurs. Laforgue y avait sa place, et moi aussi, mais on entendait ne pas effaroucher le public et ne pas montrer trop tôt les symbolistes, et donner d'eux comme des échantillons importants avant de proclamer toute la sympathie qu'on disait savoir pour nous.

      Pour des raisons diverses M. Dujardin m'offrit la rédaction en chef de sa revue qui devint dès lors plus nette et plus progressiste et accepta tout le symbolisme en tenant compte, ainsi qu'il me paraissait nécessaire, des efforts intéressants de romanciers comme les Rosny. La revue qui marchait fort bien littérairement périt de la gestion plus que chimérique de son directeur et administrateur, ou du moins passa chez le libraire Savine aux mains de M. de Nion qui en fit la revue des néo-naturalistes, et elle ne fit plus que décliner, passant de mains en mains, sans retrouver un instant l'importance que j'avais pu lui donner en 1888.

      Le symbolisme avait alors acquis sa pleine importance, car il n'était plus représenté seulement par ses promoteurs, il avait reçu des adhésions précieuses. C'était Francis Vielé-Griffin et Henri de Régnier, sortis avec éclat des premiers tâtonnements, apportant l'un des visions élégantes et hiératiques, l'autre un sentiment très vif de la nature, une sorte de lakisme curieux de folk-lore, avec une liberté encore hésitante du rhythme, mais une décision complète sur cette liberté rythmique. Albert Mockel qui donnait sa jolie Chantefable, et Ajalbert, Albert Saint-Paul Adolphe, Retté; il y eut beaucoup de symbolistes, et puis plus encore, et un instant tous les poètes furent symbolistes.

      C'est alors que chacun tira de son coté, dégageant son originalité propre, complétant les données premières du premier groupe, dont les demeurants Moréas, Adam et moi, eurent à développer et à faire prévaloir chacun sa manière propre; les divergences, qu'on ne s'était jamais tues, mais qui ne pouvaient éclater lors des premières luttes contre des adversaires communs, devenaient nécessairement plus visibles puisque nous avions des idéaux différents. Moréas, d'esprit classique, redevenait classique, Adam reprenait, après une course dans la politique, ses ambitions balzaciennes. Ma façon particulière de comprendre le symbolisme avait ses partisans; bref, nous entrions dans l'histoire littéraire: les prémisses posées allaient donner leurs effets, des surgeons vivaces allaient se projeter, des originalités curieuses s'affirmer à côté de nous, Maurice Maeterlinck, Charles Von Lerberghe, Remy de Gourmont, etc. Ce serait dépasser le sujet de ces notes que de décrire tout le mouvement de 1889 et des années suivantes, encore que certains articles réunis dans ce volume présenteront là-dessus ce que, comme critique, j'en ai pu penser.

      Un mot encore.

      M. Henri de Régnier écrivait récemment dans un article que j'étais demeuré à peu près le seul symboliste, presque tous ceux qui furent du premier ou du second ban du symbolisme ayant varié, sur une foule de points, leur façon de voir. C'est leur affaire, et je n'y ai rien à voir qu'à constater, lorsque l'occasion s'en impose, au hasard de mon métier de critique, les variations sur lesquelles je puis donner mon simple avis. Si M. Moréas est arrivé au classicisme pur, non sans le parer de beauté—si M. Paul Adam ne trouve pas l'étiquette assez large pour son effort multiple (ce qu'il n'a point dit, je pense)—si, parmi les autres du second ban, encore que je ne vois qu'un développement et non un changement chez M. Francis Vielé-Griffin, M. Henri de Régnier présente une formule combinée, entre autres éléments, de classicisme, de symbolisme et de romantisme,—si M. Maeterlinck n'appelle pas symbolistes ses beaux drames symboliques, ce qui est son droit, tout cela ne constitue pas des raisons pour que je modifie mon art; je fais de mon mieux pour suivre un développement logique, et ne peux me froisser d'être considéré comme d'accord avec moi-même.

      Il m'a paru nécessaire de reformer l'instrument lyrique. On m'a cru. La bibliothèque du vers libre est nombreuse, et de belles œuvres portent aux dos de leurs reliures des noms divers, illustres ou notoires. Depuis le symbolisme il existe, à côté du roman romanesque et du roman romantique, une manière de roman qui n'est pas le roman naturaliste, qu'on peut appeler le roman symboliste; j'en ai donné qui valent ce qu'ils valent, mais ils ne sont pas ceux du voisin.

      De même que j'ai toujours dit que je n'entendais pas fournir, en créant les vers libres, un canon fixe de nouvelles strophes, mais prouver que chacun pouvait trouver en lui sa rythmique propre, obéissante toujours, malgré qu'il en aie, sauf clowneries, aux lois du langage, je n'ai jamais pensé à enfermer le symbolisme dans une trop étroite définition.

      Il y a place pour beaucoup d'efforts sur le terrain de l'analyse caractéristique et de la synthèse du nouveau roman. Un jour peut-être développerai-je avec exemples ce que peut être le roman symboliste; il y en a, et qui ne ressemblent pas aux miens. Mais je passe, et ferai simplement observer à M. Henri de Régnier, qui le sait d'ailleurs, que si je suis resté à peu près le seul symboliste, c'est que j'étais un des rares qui l'étaient vraiment de fond, parce que le symbolisme était l'expression de leur tempérament propre et de leur opinion critique.

      Et puis, aussi, il faut en tenir compte, les temps ont changé. En 1886, et aux années suivantes, nous étions plus attentifs à notre développement littéraire qu'à la marche du monde. Nous avons édifié une partie de ce que nous voulions édifier, et il est moins important que nous n'ayons renversé qu'une partie de ce que nous voulions renverser. Si l'on évoquait le passé de notre littérature et ses écoles variées, comme on fait aux expositions, pour les peuples par des séries de pavillons, le pavillon du symbolisme ne serait point indigne des autres, et pourrait lancer ses clochetons et ses minarets, fièrement auprès des coupoles du Parnasse. Les beautés de l'entrée et du hall central, pour lesquelles, je le déclare avec joie, beaucoup de peintres, de décorateurs, d'harmonistes auraient été convoqués autour de chefs d'équipe, dont je serais, je pense, seraient augmentées de l'inconnu de salles encore non terminées, et dont nous annoncerions l'ouverture pour la prochaine exposition. Le Symbolisme n'a qu'une vingtaine d'années, il lui faut du temps pour produire encore, et qu'on étudie chez lui les symptômes de vieillesse en même temps qu'on en pourra dénombrer et résumer les complexités et les influences.

      De plus, nous fûmes amenés, à un certain moment, tous les symbolistes, à comparer notre développement particulier à la marche du monde, nous avons tiré des opinions différentes et personnelles, mais à moi il m'a paru nécessaire d'accorder, dans nos préoccupations d'aujourd'hui, une prééminence à l'art social, mais sans rien aliéner des droits de la synthèse et du style.

      Le peuple comprendra; ce sont ses Académies, et ses critiques jurés qui l'abusent et lui affadissent l'intellect de boissons tièdes. Notre bourgeoisie est saturée de Coppée, elle n'écoute

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