Symbolistes et Décadents. Gustave Kahn

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Symbolistes et Décadents - Gustave Kahn

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au peuple, ces choses que tous jugèrent hermétiques! elles le parurent, elles ne le sont pas en réalité; la preuve est faite, nos jeunes amis de l'Art social le savent, comme ils savent leurs contacts avec le Symbolisme, le vrai, le plus large. La preuve fut faite dans les réunions populaires. Elle le fut aux samedis de l'Odéon et du théâtre Sarah Bernhardt, où les poèmes symbolistes, et les poèmes des vers libristes reçurent un bel accueil, qui eût été plus grand si le spectacle eût pu être plus populaire. La preuve fut faite aussi dans des réunions purement populaires, à but social, où tonnait la voix généreuse de Laurent Tailhade qui, après avoir donné à la bibliothèque du symbolisme, après le jardin des Rêves, ses admirables Vitraux, a dédié à l'art social des poèmes animés d'un rire à la Daumier. C'est devant ces publics nouveaux que les œuvres d'art nouvelles, écoutées avec sincérité, sont applaudies, seront applaudies, et ce qui ne sera pas compris demain le sera après-demain.

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       Articles de la Revue Indépendante 1888

       Table des matières

      Les pages qui suivent sont extraites passim de douze Chroniques de la littérature et de l'art, publiées dans la Revue Indépendante durant l'année 1888.

      Elles précisent, sur quelques points, le mouvement. Elles expliquent des états d'esprit.

      J'ai choisi dans ces articles ce qui se rapportait davantage aux poètes, aux circonstances adventices du mouvement, soit les linéaments d'influence étrangère qui se sont présentés concurremment au symbolisme et ont contribué à son aspect général. De là des études sur Tolstoï.

      J'ai conservé des pages sur Poictevin qu'on oublie trop.

      J'ai donné une chronique entière, parce que le groupement des livres de ce mois-là permettait d'esquisser tout le groupement littéraire du moment, avant et en dehors des Symbolistes, au moins d'indiquer une esquisse, de Hugo à Lavedan.

      Je n'ai pas retouché ni comme fond ni comme forme ces études. Leur seule valeur étant d'être documentaire sur l'état d'esprit des novateurs, et l'essence du Symbolisme en 1888, près des débuts; je resignerais d'ailleurs, en des articles d'aujourd'hui, presque tout ce qui se trouve au cours de ces pages.

       Par Francis Poictevin

       Table des matières

      Entre tous, M. Francis Poictevin est un artiste sincère et ému. Tourmenté, perpétuellement inquiet du but même de son art, très soucieux des moyens d'expression, inquiet des lignes générales de la sensation, il est de ceux qui poussent le plus vers l'achèvement définitif une page, et non par la surprise du mot, ou l'accord fortuit des sonorités, mais par la recherche d'un ordre logique des mots étiquetant chacun une des variations de la sensation.

      L'ordre de sensations qui se meut à travers ses livres est une contemplation des choses de la nature en leur accord avec l'âme humaine; avec la sienne surtout, prise comme exemple, car c'est la seule qu'il puisse connaître à fond; non qu'il ne se permette hors de lui-même des divinations, qu'il ne tente de se rendre compte de ce qui peut se passer derrière les grilles perpétuellement closes d'un hôtel vieilli, qu'il ne tente d'animer des profils de jeunes filles, ou des silhouettes d'êtres rencontrés au hasard des courses à travers les paysages; mais ces êtres sont silhouettes ou symboles destinés à marquer les différences entre lui et les autres hommes, et à faire comprendre sa façon différente de saisir et de traduire les phénomènes d'aspect qui, à travers sa rétine, arrivent à son cerveau.

      A cela, que l'on joigne une grande inquiétude de l'être vrai, latent sous les apparences et les illusions de présences féminines; puis, que chez l'écrivain, homme avant tout de foi, s'est lentement façonnée une manière de panthéisme mystique qui empreint de mouvements quasi humains les eaux, les arbres et les lignes d'horizons: et l'on aura la clef de la disposition des idées chez l'auteur des Songes.

      Le drame étant ainsi compris, c'est-à-dire un personnage unique jouissant ou souffrant par la variation des minutes de la vie extérieure, il est fort inutile à M. Poictevin de donner à ses livres une affabulation compliquée; l'extériorité du drame est toujours, en tous ses livres, homologue: un être souffre ou jouit de la réaction des choses; deux êtres unis souffrent ou jouissent de la réaction du présent et des souvenirs et des sites sur eux, et vivent d'une vie commune remplie par les rêves divergents qu'inspirent les mêmes faits et les mêmes lignes vues par des cerveaux différents.

      L'historiette qui fait le fond du roman est en général quasi superflue; et M. Poictevin arrive en ce livre de Paysages à la supprimer et se lier à la juxtaposition des sensations pour évoquer, par leur série, le symbole d'une année de vie sans incidents autres que les déplacements de Paris à divers littorals.

      Deux parties: d'abord, les Paysages—c'est-à-dire des essais de rendre en quelques lignes un aspect fugace.

      «C'était, sous un jour pluvieux, le jaune mouillé du phare du Cap, vers Bordighère, dans le ciel une nappe citrine laissant transparaître à son milieu un vert d'iris. Au-dessus de la mer se développait une bande gris lilas à déchiquetures. Peu à peu des nues à gauche se trempant fanées, elle s'étendit devant le ciel même, plus doucement que lividement violâtre. Et la mer se mouvait en une somptuosité vieux-vert teintée d'améthystes.»

      Et s'animent ainsi des coins de Paris, de Menton, de Toulouse, des salles d'attente où l'attention se fixe sur tel ou tel être caractéristique autour duquel s'ébrouent des formes vagues, des sites de Luchon, des Pyrénées, de Fontarabie, du pays basque, de la Bretagne, de la Suisse, du Rhin, de la Hollande, des notations au Bois de Boulogne, sur les cygnes du parc Monceau, et, brusques, des théories sur le choix des fleurs, puis un été en Normandie détaillant de longues courses, des haltes pour pénétrer l'accord de l'autochthone et du paysage, etc...

      A cette forme, à ce rendu strict de la nature cherchée par l'artiste, l'écueil se présente que devant les variations infinies et menues du décor le mot très précis et juste ne se trouve pas, ou que le mot trouvé, quelque peu technique et lourd, ne rende qu'insuffisamment les légères différences qu'il note; encore, ce danger, qu'à étudier aussi consciencieusement qu'un peintre impressionniste les intimités des choses et les variations de leur couleur, l'œil ne s'hypnotise et ne traduise plus que de pures impressions mentales et un peu déviées. Mais M. Poictevin se tire presque toujours de ces complexes difficultés.

       Toutefois nous préférons infiniment à ses Paysages les Nouveaux Songes dont la chatoyante théorie clôt le volume. Ici plus de rendu strict; l'auteur est en son pur domaine du rêve vécu.

      «Sur le vapeur de Honfleur au Hâvre.—Dans cette foule bigarrée, réellement gênante, qui semblait empêcher toute contemplation, car cette rumeur et ce trépignement couvraient le silence si peu frissonnant des eaux, une jeune fille se distinguait. Elle s'abstenait—cela à son insu, on le sentait bien—de ce qui eût pu prêter à une remarque même la plus favorable.—Un costume laissant une impression avenante, sans éclat gai. Je ne sais quelle pudeur baignait son regard, ne le noyait pas; les joues avaient un jaune rose moite où hésitaient de percer quelques grains de beauté, flavescences d'aurore. Les sourcils écartés, clairsemés, un peu irréguliers à leur naissance, mais non sans douceur, indiquaient dans leur

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