Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs

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ont si obstinément poursuivi? Les Mémoires de cette époque ne sont souvent qu'une continuation des Mazarinades, une suite spirituelle et piquante des pamphlets destinés à verser l'odieux et le ridicule sur le cardinal et sur la reine Anne d'Autriche. Les lettres de Mazarin, écrites sous l'impression même des événements, ont bien plus d'autorité que ces souvenirs rétrospectifs, destinés à satisfaire avant tout la vanité de l'auteur et à exagérer les proportions de son rôle.

      Je suis loin cependant de contester l'utilité des Mémoires pour retracer les événements de cette époque, et j'en ai fait un usage continuel. Aucune période de notre histoire n'a été plus féconde en écrits de cette nature. Plusieurs de ces ouvrages réunissent le mérite du style à l'intérêt historique, le charme de la narration à l'authenticité des faits, l'attrait romanesque et dramatique de la vie privée à la grandeur des événements publics. Avant et pendant la Fronde, chaque parti, chaque nuance même de parti, a son historien. La Châtre écrit pour glorifier la cabale des Importants; la cour et Anne d'Autriche trouvent leur apologiste dans madame de Motteville; la Rochefoucauld et Pierre Lenet soutiennent de leur plume le parti des Princes, qu'ils avaient défendu de leur épée et éclairé de leurs conseils; le parlement a pour lui, quoique avec des nuances distinctes, Omer Talon, Olivier d'Ormesson, l'Histoire du temps et le Journal de la Fronde. Priolo, d'abord attaché au duc de Longueville, se laisse gagner par Mazarin, et écrit, dans l'intérêt du ministre, son histoire latine des premières années de Louis XIV, histoire qui ressemble souvent à des Mémoires par le rôle qu'y joue l'auteur et le soin avec lequel il se met en scène[3]. Gui Patin exprime les sentiments de la bourgeoisie frondeuse. Le cardinal de Retz et mademoiselle de Montpensier ne représentent guère qu'eux-mêmes, leur esprit, leur vanité, leurs intrigues, leur héroïsme romanesque et théâtral. Parmi ces Mémoires, dont il serait facile d'augmenter la liste, quelques-uns sont considérés comme des œuvres éminentes pour l'éclat pittoresque du style, la vivacité des tableaux et la peinture des caractères.

      Les Mémoires inédits m'ont aussi fourni quelques traits pour l'histoire des deux Fouquet. Je citerai, entre autres, deux journaux, l'un de Dubuisson-Aubenay, l'autre anonyme. Le premier s'étend de 1648 à 1652[4]; il a été écrit par un gentilhomme attaché au secrétaire d'État Duplessis-Guénégaud, et par conséquent ennemi de la Fronde. On y trouve sur cette époque de troubles et d'anarchie des particularités que l'on chercherait vainement ailleurs[5]. Le second est également écrit par un adversaire des frondeurs; il s'étend de 1648 à 1659, et m'a aussi fourni pour l'histoire des deux frères des renseignements nouveaux et authentiques.

      En comparant ces Mémoires, dont les auteurs ont suivi des intérêts et des partis opposés, on arrive souvent à découvrir la vérité; mais, quant aux mobiles secrets qui ont fait agir les personnages, il est difficile de les pénétrer, à moins qu'eux-mêmes n'aient pris soin de nous les révéler dans des lettres confidentielles. C'est là ce qui donne un si grand intérêt à la correspondance de Mazarin avec Nicolas Fouquet et avec son frère. Les événements de la Fronde, qui, dans les Mémoires de Retz et de la plupart des contemporains, sont présentés sous un jour défavorable au ministre, apparaissent sous un tout autre aspect dans les lettres du cardinal. La biographie de Nicolas Fouquet et celle de son frère est trop étroitement liée à l'histoire de la Fronde pour que je n'aie pas insisté sur cette époque, en faisant ressortir l'importance des services que les deux frères rendirent alors à la cause royale.

      Pour la période suivante, celle où Nicolas Fouquet, devenu surintendant, administre les finances, abuse de son pouvoir et s'attire une disgrâce méritée, j'ai fait également usage des Mémoires publiés et des documents manuscrits. La Muse historique de Loret sert à fixer les dates, et les lettres de Gui-Patin fournissent quelques indications précieuses. On trouve encore, pour l'histoire de Fouquet pendant cette époque, des faits à recueillir dans les Mémoires de mademoiselle de Montpensier, de madame de Motteville, de Conrart, de Montglat, de Bussy-Rabutin, de madame de la Fayette, du marquis de la Fare; mais ce sont des traits dispersés. Les Mémoires réellement importants pour cette partie de l'histoire de Fouquet sont ceux de Gourville, de l'abbé de Choisy et du jeune Brienne. Gourville, un des principaux commis de Fouquet, insiste tout spécialement sur le caractère et le rôle du surintendant. Mais il veut trop souvent se mettre en scène, et s'attribue une importance qui est démentie par des documents plus authentiques. J'ai pris soin de signaler les passages entachés de ce défaut. L'abbé de Choisy, élevé à la cour par une mère qui fut mêlée à toutes les intrigues du temps, avait dix-huit ans à l'époque de la chute de Fouquet. Il a vu et entretenu les personnages qu'il met en scène; il a beaucoup appris par les courtisans qui fréquentaient la maison de sa mère. Son oncle, l'abbé de Belesbat, passait pour un des familiers du surintendant, et la calomnie lui a attribué une des lettres les plus honteuses que l'on fit circuler comme tirées de la cassette de Fouquet. Le témoignage de l'abbé de Choisy mérite donc d'être recueilli pour tout ce qui touche au ministère et à la catastrophe de Fouquet.

      Quant au jeune Brienne, il était secrétaire d'État en survivance à l'époque de la disgrâce du surintendant. Sans doute, son esprit romanesque diminue l'autorité de ses Mémoires. L'éditeur en a d'ailleurs rajeuni le style au point d'en changer la physionomie et de remplacer la marche un peu traînante de la prose du dix-septième siècle par des allures sautillantes et légères qui mettent en défiance. Cependant le fond n'a pas été altéré. J'ai eu sous les yeux le manuscrit provenant du cardinal de Brienne; il n'y a de différences, entre ce manuscrit et les Mémoires publiés, que pour le style. Toutefois le caractère du jeune Brienne, ses aventures, son goût pour les détails singuliers et pour la mise en scène, suffisent à le rendre suspect. On peut, heureusement, contrôler son témoignage par le récit officiel de l'arrestation de Fouquet, qu'a rédigé Foucault, greffier de la Chambre de justice instituée en 1661, et par la lettre même où Louis XIV retrace à sa mère toutes les circonstances de cet événement.

      Les papiers trouvés dans la cassette de Fouquet et conservés à la Bibliothèque impériale fournissent aussi des renseignements précieux et authentiques pour les dernières années de son ministère. Depuis plus de dix ans, je me suis occupé de ces correspondances. J'en devais l'indication à M. Claude, dont le savoir et l'obligeance sont connus de tous ceux qui font des recherches dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale. J'ai cité depuis longtemps les papiers de Fouquet[6] dans plusieurs articles du Journal général de l'instruction publique, dans mon Histoire de l'administration monarchique en France, et dans l'édition que j'ai donnée des Mémoires de mademoiselle de Montpensier. Postérieurement à mes recherches, l'attention de plusieurs écrivains s'est portée sur la cassette de Fouquet. M. Dreyss, dans son édition des Mémoires de Louis XIV; M. Marcou, dans son Étude sur Pellisson, et tout récemment M. Feuillet de Conches, dans ses Causeries d'un curieux, en ont tiré plusieurs documents. M. Feuillet de Conches surtout a signalé l'intérêt de cette cassette et en a déchiffré quelques énigmes. Lui-même, du reste, a reconnu, en termes obligeants, que j'avais déjà étudié ces correspondances. J'ai profité plus d'une fois de ses travaux en indiquant les emprunts que je lui ai faits. Quant à l'interprétation de quelques pièces, où je diffère d'avis avec lui, j'ai donné mes raisons, tout en rendant pleine justice à son ingénieuse sagacité.

      Une des principales difficultés, lorsqu'on cherche à déchiffrer les lettres que renferme cette cassette, consiste à retrouver les noms des correspondants de Fouquet. Bien peu de lettres sont signées; souvent même les noms des personnes et des lieux sont déguisés, et quelquefois les correspondants ont poussé la précaution jusqu'à se servir d'une main étrangère. Comment s'étonner que le lecteur hésite au milieu de tant de difficultés et ne puisse reconnaître tous les auteurs de ces lettres? Pour celles mêmes où l'on met un nom, il est difficile de ne pas avouer qu'il y a toujours une part d'hypothèse dans les interprétations. Une autre difficulté résulte de l'absence de dates: tous ces papiers ont été jetés pêle-mêle dans la cassette, et jamais on n'a cherché à les soumettre à un ordre chronologique. Je l'ai tenté pour les pièces dont j'ai fait usage dans le corps de

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