Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs

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instituée, en 1631, pour poursuivre les financiers, et siégeant à l'Arsenal[12].

      Du côté maternel, Nicolas Fouquet descendait d'une ancienne famille parlementaire, celle des Maupeou, qui a obtenu, au dix-huitième siècle, une triste célébrité, mais qui n'était encore connue, au dix-septième siècle, que par des traditions de vertus domestiques. Marie Maupeou, mère des Fouquet dont nous nous occupons, contraste par la simplicité et la pureté de sa vie avec l'éclat et la corruption de ses fils. Tandis qu'ils abusaient des plus hautes dignités pour y étaler leur faste et leurs vices, elle prodiguait des secours aux misères qu'avait multipliées la Fronde. Il ne faut pas oublier, en effet, que pendant cette époque si agitée par les factions, on vit se déployer, à côté d'effroyables souffrances, une ardente charité, féconde en établissements de bienfaisance. C'est alors que saint Vincent de Paul, que l'on appelait M. Vincent de la Mission, établit à Saint-Lazare des prêtres chargés de prêcher l'Évangile dans les campagnes et institua les sœurs de la Charité. Il fut secondé par madame Legras (Louise de Marillac), veuve d'un secrétaire des commandements de Marie de Médicis et première supérieure de ces sœurs de la Charité ou sœurs grises, qui ne tardèrent pas à se répandre dans toute la France pour soigner les malades et instruire les jeunes filles pauvres. Madame de Miramion, si connue par l'audacieuse tentative de Bussy-Rabutin,[T.I pag.4] fonda, vers le même temps, la maison de Sainte-Pélagie, qui offrait un asile aux femmes et aux filles perverties. Marie Maupeou a sa place parmi ces saintes femmes, qui se dévouaient au soulagement de la misère et de la souffrance. Elle ne donna à ses fils que des exemples de vertu, qui malheureusement furent peu suivis.

      Douze enfants, six fils et six filles, naquirent du mariage de François Fouquet et de Marie Maupeou. Toutes les filles furent religieuses. Des six fils, trois furent d'église, deux de robe, et un troisième d'épée. L'aîné, François Fouquet, devint archevêque de Narbonne et survécut à la disgrâce du surintendant. Le second, Basile Fouquet, est connu sous le nom d'abbé Fouquet, parce qu'il était abbé commendataire de Barbeau[13]. Le troisième fut le surintendant, Nicolas Fouquet, qui débuta par des fonctions de magistrature. Le quatrième, Yves, appartenait aussi à la robe; il eut une charge de conseiller au parlement de Paris; mais il mourut jeune et sans postérité. Le cinquième, Louis, entra dans l'Église et fut, dans la suite, évêque d'Agde. Enfin, le sixième, Gilles, fut premier écuyer de la petite écurie du roi et s'allia à la noble famille des marquis d'Aumont. Ces détails seront utiles pour suivre les vicissitudes de la famille Fouquet, et comprendre la biographie du surintendant: voilà pourquoi nous les avons rappelés dès le commencement de ces mémoires.

      Nicolas Fouquet, dont nous nous occupons spécialement, [T.I pag.5]entra dans la magistrature à vingt ans (1635), en qualité de maître des requêtes. C'était précisément l'époque où Richelieu venait de donner une organisation fixe et permanente au corps des intendants[14]: tantôt ils accompagnaient les armées, avec mission de pourvoir aux approvisionnements, de rendre la justice et de surveiller la gestion financière; tantôt ils administraient une circonscription territoriale appelée généralité. Nicolas Fouquet fut d'abord nommé intendant de l'armée qui défendait la frontière septentrionale de la France[15]. L'année suivante, il administrait la généralité de Grenoble; mais, à la suite d'une révolte qu'il n'avait su ni prévenir ni réprimer, il fut rappelé à Paris[16]. Mazarin ne le laissa pas longtemps inactif: il avait apprécié l'esprit vif et souple du jeune magistrat, sa finesse pour pénétrer les hommes, ses grâces insinuantes pour se les concilier. Il espérait tirer parti, même de l'ambition de Nicolas Fouquet. En 1647, il l'attacha de nouveau, en qualité d'intendant, à l'armée que commandaient Gassion et Rantzau. Il nous reste, de la correspondance que Nicolas Fouquet entretint alors avec Mazarin, un rapport adressé par l'intendant au ministre sur quelques désordres survenus dans l'armée[17]. Il s'y montre plus [T.I pag.6]]indulgent que sévère et disposé à tempérer la violence de Gassion. Ce fut encore Fouquet qui annonça au cardinal la mort de ce maréchal[18].

      Lorsque la Fronde éclata, en 1648, Nicolas Fouquet resta dévoué à Mazarin. Le cardinal le chargea, pendant la première guerre civile, d'approvisionner l'armée royale. Mazarin écrivait sur ses carnets, en décembre 1648[19], au moment où il prenait toutes les mesures pour assiéger Paris: «Envoyer Fouquet en Brie, avec ordre d'y faire de grands magasins de blé pour la subsistance de l'armée.» On voit, en effet, Fouquet, établi à Lagny, lever des contributions de blé et d'avoine sur les paysans de la Brie et de l'Île-de-France[20]. Il fut aussi chargé par Mazarin de percevoir des taxes sur les riches habitants de Paris, sous prétexte de sauver du feu leurs châteaux et leurs maisons de campagne[21]. On a encore l'arrêt du conseil du roi qui confiait cette périlleuse mission à Nicolas Fouquet, ainsi que le rôle des taxes, rédigé à la suite de l'arrêt[22]. Le Parlement s'émut de ces contributions forcées qui frappaient surtout les magistrats; il défendit de les payer, et enjoignit à Nicolas Fouquet d'apporter au greffe de la cour la commission qui lui ordonnait de[T.I pag.7] les lever, sous peine d'interdiction de son office de maître des requêtes[23]. La correspondance de Fouquet prouve que ces menaces ne l'intimidèrent point, et qu'il aima mieux obéir au roi qu'au parlement.

      Son dévouement fut récompensé lorsque Mazarin eut triomphé de la Fronde parlementaire. Fouquet fut alors appelé à des fonctions analogues à celles d'intendant de l'Île-de-France[24]. Après l'arrestation des princes, en janvier 1650, il accompagna le roi, qui se rendit en Normandie pour prévenir la révolte que la duchesse de Longueville s'efforçait d'y exciter[25]. Au retour des voyages de la cour, qui avait parcouru, après la Normandie, la Bourgogne, le Poitou et la Guienne, Nicolas Fouquet acheta, avec l'agrément du cardinal Mazarin, la charge de procureur général au parlement de Paris. Les dates sont fixées par le passage suivant du Journal de Dubuisson-Aubenay: «Ce soir, 10 octobre 1650, M. le duc d'Orléans retourne de Limours à Paris, et M. Fouquet, maître des requêtes, le va prier pour l'agréer en la charge de procureur général, dont M. Méliand lui a fait sa démission, acceptée en cour, moyennant sa charge de maître des requêtes, estimée plus de cinquante mille écus, par le fils dudit sieur Méliand, de longtemps conseiller en parlement, et cent mille écus[T.I pag.8] de plus en argent, desquels cent mille écus la reine a fait expédier un brevet de réserve, ou sûreté, audit sieur Fouquet, au cas qu'il vint à mourir dans ladite charge.»

      Ce fut le 28 novembre 1650, à la rentrée du parlement, que Nicolas Fouquet porta, pour la première fois, la parole en qualité de procureur général[26]. Cette position lui donnait une haute influence dans un corps puissant et généralement hostile à Mazarin. Fouquet n'en usa que dans l'intérêt de son protecteur, auquel il se montra aussi fidèle dans la mauvaise fortune que dans les jours de prospérité. Il lui fallut une grande souplesse pour contenir et diriger une assemblée infatuée de ses priviléges, qui se croyait supérieure aux états généraux[27], et qui joignait à l'administration de la justice le contrôle des affaires politiques et des attributions très-étendues et très-importantes en matière de police et de finances. Plus de deux cents magistrats siégeaient dans les huit chambres du parlement. Il y avait cinq chambres des enquêtes, composées généralement des jeunes conseillers; deux chambres des requêtes; et, enfin, la grand'chambre, qui était formée des plus anciens conseillers ecclésiastiques et laïques, magistrats d'une expérience consommée et d'une grande autorité judiciaire. C'était là que siégeaient les présidents à mortier. Les[T.I pag.9] membres du parlement n'étaient pas seulement inamovibles, ils étaient propriétaires de leurs charges. Lors-qu'ils avaient payé au trésor un droit nommé paulette, ils pouvaient les transmettre à leurs fils. Ainsi s'étaient formées les familles parlementaires qui ont été l'honneur de l'ancienne magistrature. Les noms des Molé, des Potier, des Talon, des Lamoignon, des de Harlay, des de Mesmes, réveillent des idées de science, de vertu et de courage civil; mais l'union de ces magistrats pouvait devenir redoutable à la royauté. La vaste circonscription territoriale qu'embrassait le parlement de Paris ajoutait encore à sa puissance. Sa juridiction comprenait l'Île-de-France, la Picardie, l'Orléanais, la Touraine, l'Anjou, le Maine, le Poitou, l'Angoumois, la Champagne, le Bourbonnais, le Berry, le Lyonnais, le Forez, le Beaujolais et l'Auvergne[28].

      En

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