Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs

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pas de rapporter à de Lyonne les plaintes du cardinal; il paraît même qu'il les exagéra, si l'on en croit une lettre de Mazarin en date du 18 mai[50]: «Vous avez tiré de l'abbé Fouquet, écrivait le cardinal à de Lyonne, beaucoup de choses que je n'ai pas dites, et, le croyant homme d'honneur, je m'assure qu'il tombera d'accord de la vérité. Il a pourtant eu tort de vous rapporter même ce que je lui dis en particulier et justement ému comme j'étais, reconnaissant que son voyage n'avait pour but que de retirer de moi ce qui était nécessaire pour achever votre affaire, et que l'on était fort en repos du mauvais état des miennes. M. Fouquet a eu d'autant plus de tort que je le priai de ne le faire pas, et qu'il me le promit; mais n'importe. Je suis bien aise que vous ayez su tout ce que j'avais sur le cœur.» Ces derniers mots prouvent que, si l'abbé Fouquet avait été indiscret en dévoilant les pensées secrètes et intimes de Mazarin, il n'avait guère altéré la vérité. Du reste, cette impétuosité de caractère, qui lui fit commettre tant de fautes par la suite, était la source de ses qualités. Il continua de servir le cardinal avec la même ardeur, mais en la tempérant par plus de circonspection.

      [T.I pag.23]

      De concert avec le procureur général, son frère, l'abbé Fouquet ne négligea rien pour gagner des partisans à Mazarin et surtout pour rompre le faisceau redoutable que formaient le parti des princes et la vieille Fronde réunis. A la tête de celle-ci était le coadjuteur de l'archevêque de Paris, Paul de Gondi, si connu par son ambition et par ses intrigues. Il était blessé de la hauteur du prince de Condé et des petits maîtres[51], qui composaient la nouvelle Fronde. L'abbé Fouquet sut habilement envenimer les haines. Il fit agir près du coadjuteur une des héroïnes de la vieille Fronde, la duchesse de Chevreuse, qui ne pouvait pardonner au prince de Condé d'avoir rompu le mariage projeté de sa fille, Charlotte de Lorraine, avec le prince de Conti. Les ressentiments de la duchesse de Chevreuse furent adroitement aigris par l'abbé Fouquet, et cette femme hautaine et ambitieuse, implacable dans ses haines, parvint à briser le lien qui unissait les ennemis de Mazarin et qui faisait leur force. C'était là un service capital, et le cardinal, du fond de son exil, chargea l'abbé Fouquet d'en témoigner sa reconnaissance à la duchesse[52]: «Je vous prie de remercier de la bonne manière la dame qui a déclaré ce que vous me mandez à M. le coadjuteur, et de lui dire qu'en quelque lieu et fortune que je puisse être, je serai son très-humble serviteur.» Mazarin tint parole à la duchesse de Chevreuse,[T.I pag.24] qui, de son côté, se montra aussi fidèle dans ses attachements qu'ardente dans ses haines.

      Le procureur général et son frère réussirent à gagner à Mazarin quelques partisans dans le parlement de Paris. L'avocat général, Omer Talon, qui y avait une grande autorité comme magistrat et comme orateur, se rallia au parti du cardinal. «Je vous prie, écrivait Mazarin à l'abbé Fouquet[53], de remercier Talon de ma part, n'y ayant rien de si agréable que la manière dont il se conduit à mon égard.» Le concours de ce magistrat servit puissamment la politique de Nicolas Fouquet, qui, en présence d'une compagnie hostile au cardinal, était obligé à des ménagements et à des précautions infinies.

      Son frère, au contraire, marchait hardiment dans sa voie et bravait les ennemis que lui suscitait l'ardeur de son zèle pour le cardinal. Mazarin se crut obligé de lui recommander la prudence. «Au nom de Dieu, lui écrivait-il[54], ménagez-vous davantage; car je serais au désespoir, si, à cause de moi, il vous arrivait la moindre chose qui vous fut préjudiciable.» Mais la modération n'était pas dans la nature de l'abbé Fouquet. Il ne cessait de souffler la discorde entre les deux Frondes et de susciter des adversaires au prince de Condé. Plus accoutumé aux luttes des champs de bataille qu'aux attaques parlementaires, le prince finit par se lasser de cette guerre de la Grand Chambre, où l'audace du coadjuteur, soutenue de l'astuce des Fouquet et de bon nombre d'épées, balançait sa fortune. Il sortit de Paris (septembre 1651)[T.I pag.25] et alla chercher dans les provinces un champ de bataille qui convenait mieux à son génie.

      Ainsi la rupture des deux Frondes était consommée. Il s'agissait maintenant de gagner dans la bourgeoisie et l'armée les hommes les plus influents, afin de préparer le retour et la domination de Mazarin dans Paris. Ce fut encore en grande partie l'œuvre de Nicolas et de Basile Fouquet. Ils s'assurèrent, par l'influence de madame de Brégy[55], du maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris[56], et s'efforcèrent d'attirer au parti du cardinal le premier président Mathieu Molé et son fils, le président de Champlâtreux[57], qui avaient longtemps soutenu la cause du prince de Condé. Ils y réussirent complétement, et, dans la suite, ces magistrats firent partie du parlement de Pontoise, que la cour opposa au parlement de Paris. De toutes les conquêtes, ménagées par les habiles négociations des deux frères, la plus importante de beaucoup fut celle qui donna à Mazarin et au roi le duc de Bouillon et son frère le maréchal de Turenne. Elle coûta cher à la France. Les Bouillon ne s'étaient engagés dans la Fronde que pour obtenir une compensation de la principauté de Sedan, dont Richelieu les avait dépouillés. Le cardinal, qui connaissait l'esprit rusé et avide des princes de la maison de Bouillon, s'en défia jusqu'au dernier moment et chargea l'abbé Fouquet, comme son agent le plus habile, de sonder[T.I pag.26] leurs projets. «Je vous prie de reconnaître bien et dans le dernier secret, lui écrivait-il le 22 décembre 1651, si je puis faire un état assuré de M. de Bouillon et de son frère.»

      Mazarin revient avec beaucoup plus d'insistance sur le même sujet, dans une lettre du 26 décembre; elle prouve qu'il tenait surtout à gagner le maréchal de Turenne, dont l'épée valait une armée entière. «Pour M. de Turenne, écrivait-il à l'abbé Fouquet, il sait l'estime et la tendresse que j'ai eues pour lui, et il a appris de beaucoup d'endroits et de gens qui, encore qu'ils soient de mes amis, ne le voudraient pas tromper, que je suis toujours le même, nonobstant tout ce qui s'est passé, l'affection que j'avais pour lui ayant jeté de trop profondes racines pour pouvoir être arrachée par de semblables accidents. J'ai écrit déjà fortement à la cour, afin qu'on trouve moyen de ne pas laisser inutile un homme de sa considération, et j'espère qu'il sera satisfait sur ce point-là. Il est injuste de se plaindre de ce que j'ai préféré d'autres à lui pour la levée et le commandement des troupes qui m'accompagnent. Il peut bien croire que j'aurais tenu à beaucoup d'honneur et d'avantage qu'il eût voulu venir, ainsi que je l'en aurais conjuré, si j'eusse cru qu'il en eût eu la moindre pensée; mais j'ai pensé que ce serait trop de hardiesse et même impudence de m'adresser pour une affaire de cette nature à une personne avec qui je n'avais aucune liaison. Du reste, il voit l'état où je suis. Si ma fortune devient meilleure, j'ose répondre qu'il s'en ressentira, étant résolu de chercher toutes les occasions de faire quelque[T.I pag.27] chose de solide pour lui et de l'obliger par ce moyen à être de mes amis sans aucune réserve.» Peu de temps après, le cardinal rentra en France (décembre 1651) à la tête d'une petite armée; Turenne devait en prendre le commandement, mais il était encore retenu dans Paris, d'où il ne parvint à s'échapper qu'à la fin de janvier 1652.

      A la nouvelle de l'entrée de Mazarin en France, la fureur de ses ennemis éclata avec une violence qui ne connut plus de bornes. Le parlement mit sa tête à prix et ordonna de prélever sur la vente de sa bibliothèque la somme qui serait payée au meurtrier. Deux conseillers furent envoyés à Pont-sur-Yonne, pour l'arrêter; mais l'un prit la fuite, et l'autre, nommé Bitaut, fut fait prisonnier. Il faillit payer les folies des Frondeurs. «J'avais résolu d'abord, écrivait Mazarin à l'abbé Fouquet[58], de renvoyer Bitaut généreusement; mais personne ne s'est trouvé de cet avis, et tout le monde a conclu qu'on devait le retenir et lui insinuer que, si les diligences continuelles que font quantité de conseillers du parlement et autres, en suite du dernier arrêt, pour me faire assassiner, produisent seulement la moindre tentative contre ma vie, la sienne ne sera guère en sûreté et que je n'aurai pas assez de pouvoir pour retenir le zèle et la main de tant de personnes à qui ma conservation est chère. Je serai bien aise, néanmoins, de savoir vos sentiments là-dessus.» Et plus loin: «Il faudrait aussi faire connaître adroitement à M. le président Le Coigneux et aux autres parents que Bitaut a dans le[T.I pag.28] parlement, qui sont en grand nombre, qu'ils ont grand intérêt de faire en sorte qu'on remédie à l'arrêt qui a été donné pour m'assassiner, à cause du risque que leur parent en peut

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