LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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longe les cabinets d’instruction était encombré d’une foule absolument insolite de prévenus, de gardes, d’avocats, d’huissiers, et l’on a fait cette découverte que tous ces gens avaient reçu de fausses convocations à comparaître à la même heure. D’autre part, aucun des juges d’instruction qui les avaient soi-disant convoqués n’est venu ce jour-là à son cabinet, et cela par suite de fausses convocations du Parquet, les envoyant dans tous les coins de Paris et de la banlieue.

      – C’est tout ?

      – Non. On a vu deux gardes municipaux et un prévenu qui traversaient les cours. Dehors, un fiacre les attendait où ils sont montés tous les trois.

      – Et votre hypothèse, Lenormand ? Votre opinion ?

      – Mon hypothèse, monsieur le Président, c’est que les deux gardes municipaux étaient des complices qui, profitant du désordre du couloir, se sont substitués aux vrais gardes. Et mon opinion, c’est que cette évasion n’a pu réussir que grâce à des circonstances si spéciales, à un ensemble de faits si étrange, que nous devons admettre comme certaines les complicités les plus inadmissibles. Au Palais, ailleurs, Lupin a des attaches qui déjouent tous nos calculs. Il en a dans la Préfecture de police, il en a autour de moi. C’est une organisation formidable, un service de la Sûreté mille fois plus habile, plus audacieux, plus divers et plus souple que celui que je dirige.

      – Et vous supportez cela, Lenormand !

      – Non.

      – Alors, pourquoi votre inertie depuis le début de cette affaire ? Qu’avez-vous fait contre Lupin ?

      – J’ai préparé la lutte.

      – Ah ! Parfait ! Et pendant que vous prépariez, il agissait, lui.

      – Moi aussi.

      – Et vous savez quelque chose ?

      – Beaucoup.

      – Quoi ? Parlez donc.

      M. Lenormand fit, en s’appuyant sur sa canne, une petite promenade méditative à travers la vaste pièce. Puis il s’assit en face de Valenglay, brossa du bout de ses doigts les parements de sa redingote olive, consolida sur son nez ses lunettes à branches d’argent, et lui dit nettement :

      – Monsieur le Président, j’ai dans la main trois atouts. D’abord, je sais le nom sous lequel se cache actuellement Arsène Lupin, le nom sous lequel il habitait boulevard Haussmann, recevant chaque jour ses collaborateurs, reconstituant et dirigeant sa bande.

      – Mais alors, nom d’un chien, pourquoi ne l’arrêtez-vous pas ?

      – Je n’ai eu ces renseignements qu’après coup. Depuis, le prince appelons-le prince Trois étoiles, a disparu. Il est à l’étranger pour d’autres affaires.

      – Et s’il ne reparaît pas ?

      – La situation qu’il occupe, la manière dont il s’est engagé dans l’affaire Kesselbach exigent qu’il reparaisse, et sous le même nom.

      – Néanmoins…

      – Monsieur le Président, j’en arrive à mon second atout. J’ai fini par découvrir Pierre Leduc.

      – Allons donc !

      – Ou plutôt, c’est Lupin qui l’a découvert, et c’est Lupin qui, avant de disparaître, l’a installé dans une petite villa aux environs de Paris.

      – Fichtre ! Mais comment avez-vous su ?

      – Oh ! Facilement. Lupin a placé auprès de Pierre Leduc, comme surveillants et défenseurs, deux de ses complices. Or, ces complices sont des agents à moi, deux frères que j’emploie en grand secret et qui me le livreront à la première occasion.

      – Bravo ! Bravo ! De sorte que…

      – De sorte que, comme Pierre Leduc est, pourrait-on dire, le point central autour duquel convergent tous les efforts de ceux qui sont en quête du fameux secret Kesselbach… par Pierre Leduc, j’aurai un jour ou l’autre : 1°l’auteur du triple assassinat, puisque ce misérable s’est substitué à M. Kesselbach dans l’accomplissement d’un projet grandiose, et jusqu’ici inconnu, et puisque M. Kesselbach avait besoin de retrouver Pierre Leduc pour l’accomplissement de ce projet ; 2°j’aurai Arsène Lupin, puisque Arsène Lupin poursuit le même but.

      – À merveille. Pierre Leduc est l’appât que vous tendez à l’ennemi.

      – Et le poisson mord, monsieur le Président. Je viens de recevoir un avis par lequel on a vu tantôt un individu suspect qui rôdait autour de la petite villa que Pierre Leduc occupe sous la protection de mes deux agents secrets. Dans quatre heures, je serai sur les lieux.

      – Et le troisième atout, Lenormand ?

      – Monsieur le Président, il est arrivé hier à l’adresse de M. Rudolf Kesselbach une lettre que j’ai interceptée.

      – Interceptée, vous allez bien.

      – Que j’ai ouverte et que j’ai gardée pour moi. La voici. Elle date de deux mois. Elle est timbrée du Cap et contient ces mots :

      « Mon bon Rudolf, je serai le 1er juin à Paris, et toujours aussi misérable que quand vous m’avez secouru. Mais j’espère beaucoup dans cette affaire de Pierre Leduc que je vous ai indiquée. Quelle étrange histoire ! L’avez-vous retrouvé, lui ? Où en sommes-nous ? J’ai hâte de le savoir.

      « Signé : votre fidèle STEINWEG. »

      – Le 1er juin, continua M. Lenormand, c’est aujourd’hui. J’ai chargé un de mes inspecteurs de me dénicher ce nommé Steinweg. Je ne doute pas de la réussite.

      – Moi non plus, je n’en doute pas, s’écria Valenglay en se levant, et je vous fais toutes mes excuses, mon cher Lenormand, et mon humble confession : j’étais sur le point de vous lâcher mais en plein ! Demain, j’attendais le préfet de Police et M. Weber.

      – Je le savais, monsieur le Président.

      – Pas possible.

      – Sans quoi, me serais-je dérangé ? Aujourd’hui vous voyez mon plan de bataille. D’un côté je tends des pièges où l’assassin finira par se prendre : Pierre Leduc ou Steinweg me le livreront. De l’autre côté je rôde autour de Lupin. Deux de ses agents sont à ma solde et il les croit ses plus dévoués collaborateurs. En outre, il travaille pour moi, puisqu’il poursuit, comme moi, l’auteur du triple assassinat. Seulement il s’imagine me rouler, et c’est moi qui le roule. Donc, je réussirai, mais à une condition.

      – Laquelle ?

      – C’est que j’aie les coudées franches, et que je puisse agir selon les nécessités du moment sans me soucier du public qui s’impatiente et de mes chefs qui intriguent contre moi.

      – C’est convenu.

      – En ce cas, monsieur le Président, d’ici quelques jours je serai vainqueur ou je serai mort.

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