LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
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On s’arrêta pour le premier repas, dans une auberge située sur une colline, près de laquelle il y avait un poteau indicateur. Lupin vit qu’on se trouvait à égale distance de Metz et de Luxembourg. Là on prit une route qui obliquait vers le nord-est du côté de Trêves.
Lupin dit à son compagnon de voyage :
– C’est bien au comte de Waldemar que j’ai l’honneur de parler, au confident de l’Empereur, à celui qui fouilla la maison d’Hermann III à Dresde ?
L’étranger demeura muet.
« Toi, mon petit, pensa Lupin, tu as une tête qui ne me revient pas. Je me la paierai un jour ou l’autre. Tu es laid, tu es gros, tu es massif ; bref, tu me déplais. »
Et il ajouta à haute voix :
– Monsieur le comte a tort de ne pas me répondre. Je parlais dans son intérêt : j’ai vu, au moment où nous remontions, une automobile qui débouchait derrière nous à l’horizon. Vous l’avez vue ?
– Non, pourquoi ?
– Pour rien.
– Cependant…
– Mais non, rien du tout, une simple remarque… D’ailleurs, nous avons dix minutes d’avance et notre voiture est pour le moins une quarante chevaux.
– Une soixante, fit l’Allemand, qui l’observa du coin de l’œil avec inquiétude.
– Oh ! Alors, nous sommes tranquilles.
On escalada une petite rampe. Tout en haut, le comte se pencha à la portière.
– Sacré nom ! jura-t-il.
– Quoi ? fit Lupin.
Le comte se retourna vers lui, et d’une voix menaçante :
– Gare à vous… S’il arrive quelque chose, tant pis.
– Eh ! Eh ! Il paraît que l’autre approche… Mais que craignez-vous, mon cher comte ? C’est sans doute un voyageur… peut-être même du secours qu’on vous envoie.
– Je n’ai pas besoin de secours, grogna l’Allemand.
Il se pencha de nouveau. L’auto n’était plus qu’à deux ou trois cents mètres. Il dit à ses hommes en leur désignant Lupin :
– Qu’on l’attache ! Et s’il résiste… Il tira son revolver.
– Pourquoi résisterais-je, doux Teuton ? ricana Lupin.
Et il ajouta tandis qu’on lui liait les mains :
– Il est vraiment curieux de voir comme les gens prennent des précautions quand c’est inutile, et n’en prennent pas quand il le faut. Que diable peut vous faire cette auto ? Des complices à moi ? Quelle idée !
Sans répondre, l’Allemand donnait des ordres au mécanicien :
– À droite ! Ralentis… Laisse-les passer… S’ils ralentissent aussi, halte !
Mais à son grand étonnement, l’auto semblait au contraire redoubler de vitesse. Comme une trombe elle passa devant la voiture, dans un nuage de poussière.
Debout, à l’arrière de la voiture qui était en partie découverte, on distingua la forme d’un homme vêtu de noir.
Il leva le bras.
Deux coups de feu retentirent.
Le comte, qui masquait toute la portière gauche, s’affaissa dans la voiture.
Avant même de s’occuper de lui, les deux compagnons sautèrent sur Lupin et achevèrent de le ligoter.
– Gourdes ! Butors ! cria Lupin qui tremblait de rage… Lâchez-moi au contraire ! Allons, bon, voilà qu’on arrête ! Mais triples idiots, courez donc dessus… Rattrapez-le !… C’est l’homme noir… l’assassin… Ah ! Les imbéciles…
On le bâillonna. Puis on s’occupa du comte. La blessure ne paraissait pas grave et l’on eût vite fait de la panser. Mais le malade, très surexcité, fut pris d’un accès de fièvre et se mit à délirer.
Il était huit heures du matin. On se trouvait en rase campagne, loin de tout village. Les hommes n’avaient aucune indication sur le but exact du voyage. Où aller ? Qui prévenir ?
On rangea l’auto le long d’un bois et l’on attendit.
Toute la journée s’écoula de la sorte. Ce n’est qu’au soir qu’un peloton de cavalerie arriva, envoyé de Trêves à la recherche de l’automobile. Deux heures plus tard, Lupin descendait de la limousine, et, toujours escorté de ses deux Allemands, montait, à la lueur d’une lanterne, les marches d’un escalier qui conduisait dans une petite chambre aux fenêtres barrées de fer.
Il y passa la nuit.
Le lendemain matin un officier le mena, à travers une cour encombrée de soldats, jusqu’au centre d’une longue série de bâtiments qui s’arrondissaient au pied d’un monticule où l’on apercevait des ruines monumentales.
On l’introduisit dans une vaste pièce sommairement meublée. Assis devant un bureau, son visiteur de l’avant-veille lisait des journaux et des rapports qu’il biffait à gros traits de crayon rouge.
– Qu’on nous laisse, dit-il à l’officier.
Et s’approchant de Lupin :
– Les papiers.
Le ton n’était plus le même. C’était maintenant le ton impérieux et sec du maître qui est chez lui, et qui s’adresse à un inférieur – et quel inférieur ! Un escroc, un aventurier de la pire espèce, devant lequel il avait été contraint de s’humilier !
– Les papiers, répéta-t-il.
Lupin ne se démonta pas. Il dit calmement :
– Ils sont dans le château de Veldenz.
– Nous sommes dans les communs du château de Veldenz.
– Les papiers sont dans ces ruines.
– Allons-y. Conduisez-moi.
Lupin ne bougea pas.
– Eh bien ?
– Eh bien ! Sire, ce n’est pas aussi simple que vous le croyez. Il faut un certain temps pour mettre en jeu les éléments nécessaires à l’ouverture de cette cachette.
– Combien d’heures vous faut-il ?
– Vingt-quatre.
Un geste de colère, vite réprimé.