LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
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En face, dans l’ombre, César méditait.
Qu’allait-il dire ? Quelle solution allait-il donner au problème ?
Il marcha en travers de la cellule, pendant quelques instants qui parurent interminables à Lupin.
Puis il s’arrêta et dit :
– Il y a d’autres conditions ?
– Oui, Sire, mais insignifiantes.
– Lesquelles ?
– J’ai retrouvé le fils du grand-duc de Deux-Ponts-Veldenz. Le grand-duché lui sera rendu.
– Et puis ?
– Il aime une jeune fille, qui l’aime également, la plus belle et la plus vertueuse des femmes. Il épousera cette jeune fille.
– Et puis ?
– C’est tout.
– Il n’y a plus rien ?
– Rien. Il ne reste plus à Votre Majesté qu’à faire porter cette lettre au directeur du Grand Journal pour qu’il détruise, sans le lire, l’article qu’il va recevoir d’un moment à l’autre.
Lupin tendit la lettre, le cœur serré, la main tremblante. Si l’Empereur la prenait, c’était la marque de son acceptation.
L’Empereur hésita, puis d’un geste furieux, il prit la lettre, remit son chapeau, s’enveloppa dans son vêtement, et sortit sans un mot.
Lupin demeura quelques secondes chancelant, comme étourdi…
Puis, tout à coup, il tomba sur sa chaise en criant de joie et d’orgueil…
– 2 –
– Monsieur le juge d’instruction, c’est aujourd’hui que j’ai le regret de vous faire mes adieux.
– Comment, monsieur Lupin, vous auriez donc l’intention de nous quitter ?
– À contrecœur, monsieur le juge d’instruction, soyez-en sûr, car nos relations étaient d’une cordialité charmante. Mais il n’y a pas de plaisir sans fin. Ma cure à Santé-Palace est terminée. D’autres devoirs me réclament. Il faut que je m’évade cette nuit.
– Bonne chance donc, monsieur Lupin.
– Je vous remercie, monsieur le juge d’instruction.
Arsène Lupin attendit alors patiemment l’heure de son évasion, non sans se demander comment elle s’effectuerait, et par quels moyens la France et l’Allemagne, réunies pour cette œuvre méritoire, arriveraient à la réaliser sans trop de scandale.
Au milieu de l’après-midi, le gardien lui enjoignit de se rendre dans la cour d’entrée. Il y alla vivement et trouva le directeur qui le remit entre les mains de M. Weber, lequel M. Weber le fit monter dans une automobile où quelqu’un déjà avait pris place.
Tout de suite, Lupin eut un accès de fou rire.
– Comment ! C’est toi, mon pauvre Weber, c’est toi qui écopes de la corvée ! C’est toi qui seras responsable de mon évasion ? Avoue que tu n’as pas de veine ! Ah ! Mon pauvre vieux, quelle tuile ! Illustré par mon arrestation, te voilà immortel maintenant par mon évasion.
Il regarda l’autre personnage.
– Allons, bon, monsieur le Préfet de police, vous êtes aussi dans l’affaire ? Fichu cadeau qu’on vous a fait là, hein ? Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de rester dans la coulisse. À Weber tout l’honneur ! Ça lui revient de droit. Il est solide, le bougre !…
On filait vite, le long de la Seine et par Boulogne. À Saint-Cloud on traversa.
– Parfait, s’écria Lupin, nous allons à Garches ! On a besoin de moi pour reconstituer la mort d’Altenheim. Nous descendrons dans les souterrains, je disparaîtrai, et l’on dira que je me suis évanoui par une autre issue, connue de moi seul. Dieu ! Que c’est idiot !
Il semblait désolé.
– Idiot, du dernier idiot ! Je rougis de honte… Et voilà les gens qui nous gouvernent !… Quelle époque ! Mais malheureux, il fallait vous adresser à moi. Je vous aurais confectionné une petite évasion de choix, genre miracle. J’ai ça dans mes cartons ! Le public aurait hurlé au prodige et se serait trémoussé de contentement. Au lieu de cela… Enfin, il est vrai que vous avez été pris un peu de court… Mais tout de même…
Le programme était bien tel que Lupin l’avait prévu. On pénétra par la maison de retraite jusqu’au pavillon Hortense. Lupin et ses deux compagnons descendirent et traversèrent le souterrain. À l’extrémité, le sous-chef lui dit :
– Vous êtes libre.
– Et voilà ! dit Lupin, ce n’est pas plus malin que ça ! Tous mes remerciements, mon cher Weber, et mes excuses pour le dérangement. Monsieur le Préfet, mes hommages à votre dame.
Il remonta l’escalier qui conduisait à la villa des Glycines, souleva la trappe et sauta dans la pièce.
Une main s’abattit sur son épaule. En face de lui se trouvait son premier visiteur de la veille, celui qui accompagnait l’Empereur. Quatre hommes le flanquaient de droite et de gauche.
– Ah ! ça mais, dit Lupin, qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ?
Je ne suis donc pas libre ?
– Si, si, grogna l’Allemand de sa voix rude, vous êtes libre… libre de voyager avec nous cinq si ça vous va.
Lupin le contempla une seconde avec l’envie folle de lui apprendre la valeur d’un coup de poing sur le nez.
Mais les cinq hommes semblaient diablement résolus. Leur chef n’avait pas pour lui une tendresse exagérée, et il pensa que le gaillard serait trop heureux d’employer les moyens extrêmes. Et puis, après tout, que lui importait ?
Il ricana :
– Si ça me va ! Mais c’était mon rêve ! Dans la cour, une forte limousine attendait. Deux hommes montèrent en avant, deux autres à l’intérieur. Lupin et l’étranger s’installèrent sur la banquette du fond.
– En route, s’écria Lupin en allemand, en route pour Veldenz.
Le comte lui dit :
– Silence ! Ces gens-là ne doivent rien savoir. Parlez français. Ils ne comprennent pas. Mais pourquoi parler ?
– Au fait, se