Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune. H. de Graffigny

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune - H. de Graffigny страница 4

Автор:
Серия:
Издательство:
Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune - H. de Graffigny

Скачать книгу

veilles et tant d'efforts?

      Le petit vieillard bondit, comme froissé par les paroles de sa fille.

      —Est-ce bien toi qui parles ainsi, Séléna?.. demanda-t-il; comment peux-tu me supposer capable?... sois tranquille; si je veux donner ton nom à une aussi terrible substance que celle que je suis parvenu à combiner, ce n'est pas pour me procurer le plaisir de détruire quoi que ce soit... le but que je poursuis est plus noble, plus grandiose, plus digne de Mickhaïl Ossipoff, membre de l'Institut des sciences de Saint-Pétersbourg et du Vozdouhoplavatel.

      Ce disant, il s'était redressé de toute la hauteur de sa petite taille et il semblait que son attitude se fût ennoblie.

image

      Puis soudain s'attendrissant, il s'approcha de Séléna, lui prit les mains et, l'attirant sur sa poitrine, l'y tint serrée quelques instants.

      —Chère fille, dit-il enfin, tu sais bien qu'Elle et toi vous êtes toute ma vie; Elle occupe toute ma pensée et toi tu remplis tout mon cœur... et souvent, la nuit, dans mes rêves, je te vois, toi, belle et chaste comme la Vierge, ton gracieux visage nimbé d'or, ainsi que celui d'une sainte, par son disque lumineux.

      —Mon père... murmura la jeune fille tout émue.

      —Ah! je suis bien heureux, aujourd'hui... ajouta-t-il, bien heureux, et je veux te faire partager mon bonheur...

      Il dénoua son étreinte et, subitement pensif, vint s'asseoir dans un fauteuil de cuir, près du poêle, où il demeura, la tête baissée, laissant filtrer sous ses paupières mi-baissées un regard vague, tandis que ses lèvres balbutiaient des paroles muettes.

      —Séléna, dit-il tout à coup en fixant sa fille debout devant lui, immobile et surprise, Séléna, il faut que je t'avoue quelque chose.

      —A moi, mon père! murmura la jeune fille qui se troubla aussitôt.

      —Oui, fillette, tu es grande aujourd'hui et je veux te mettre enfin au courant d'un projet que je caresse depuis longtemps.

image

      Le trouble de Séléna augmenta; ses joues se colorèrent d'une subite rougeur et ses longs cils soyeux vivement abaissés mirent une ombre sur sa peau mate et pâle.

      Puis, comme, son père ouvrait la bouche pour continuer, la jeune fille, dans un geste de gracieuse câlinerie, plaça sa main sur les lèvres du vieillard.

      —Moi aussi, mon père, balbutia-t-elle, j'ai quelque chose à vous dire.

      Surpris, il la regarda.

      —Un secret! toi aussi? dit-il.

      De la tête, elle fit signe que oui.

      —Ah bah!... et de quoi s'agit-il?

      Sans répondre, la jeune fille vint s'asseoir sur les genoux de Mickhaïl Ossipoff, passa son bras autour de son cou, appuya sa tête sur l'épaule du vieillard et murmura tout bas, bien bas, comme honteuse:

      —J'aime.

      Ce seul mot fit tressaillir le vieillard.

image

      —Tu aimes!... grommela-t-il, tu aimes! Qu'est-ce que cela veut dire?

      Alors, très vite, les yeux fixés à terre, la jeune fille répondit:

      —Vous savez, mon petit père, que je vais tous les jeudis et tous les dimanches, entendre la messe à Notre-Dame de Kazan... or, il y a deux mois environ, comme je me relevais après m'être agenouillée pour l'élévation, mon pied se prit dans ma robe et je serais tombée assurément si, par le plus grand des hasards, un jeune homme ne s'était trouvé là et ne m'avait soutenue par le bras...

      Elle s'arrêta un moment pour reprendre haleine et attendant une parole d'encouragement.

      Mais son père gardant le silence, elle continua:

image

      —Depuis ce jour, tous les jeudis et tous les dimanches, je l'ai revu, ce jeune homme, accoudé au même pilier, ne me quittant pas des yeux tout le temps que durait la messe, me regardant avec beaucoup de respect... et aussi avec... comment dirais-je?... enfin, d'une manière qui me gênait et me faisait plaisir en même temps... puis, un jour, à la sortie de Notre-Dame, je l'ai trouvé près du bénitier, me tendant de l'eau bénite... mes doigts ont effleuré les siens et, je ne sais pas pourquoi, tout à coup je me suis mise à trembler... mais tellement que j'ai dû prendre le bras de Maria Pétrowna pour revenir à la maison.

      De nouveau elle se tut et jeta à la dérobée un regard sur son père qui continuait à l'écouter en silence, sans que sur son visage immobile parût la moindre marque d'approbation ou de désapprobation.

image

      Enhardie par l'attitude même du vieillard, Séléna poursuivit:

      —Quelques jours après, Maria Pétrowna m'a fait remarquer, au moment où nous approchions de la maison, qu'un homme nous suivait depuis la sortie de Notre-Dame de Kazan... sans le voir, je devinai que c'était lui et je ne me retournai pas, tellement j'avais peur de lui montrer mon trouble... cependant, comme Wassili venait d'ouvrir la porte, je n'ai pas pu résister, j'ai incliné la tête, un tout petit peu, et je l'ai vu à quinze pas en arrière, arrêté au coin de la rue, les yeux fixés sur moi... c'était un jeudi, je me le rappelle, et le dimanche suivant, il y avait une sauterie chez Mme Bakounine,—même vous n'aviez pas pu m'accompagner parce qu'il y avait ce soir-là, à l'Observatoire, une grande réunion de savants à propos d'une éclipse de... de... de je ne sais plus quoi,—et voilà qu'en entrant dans le salon de Mme Bakounine, la première personne que j'aperçus... c'était lui, accoudé à une fenêtre, et qui me regardait en souriant...

image

      Séléna s'arrêta, toute tremblante, s'attendant à voir son père bondir; il n'en fut rien; le vieillard ne broncha pas, alors la jeune fille ajouta:

      —Quelques instants après, Mme Bakounine me l'a présenté comme un excellent valseur et j'ai dansé avec lui... puis, je suis retournée tous les dimanches soir chez Mme Bakounine et je l'ai toujours retrouvé... de plus en plus aimable... de plus en plus galant... si bien que je n'ai pas été surprise quand il y a huit jours Mme Bakounine m'a dit qu'il m'aimait... qu'il l'avait chargée de me le dire et de savoir s'il pouvait espérer que... alors j'ai embrassé cette bonne Mme Bakounine; elle a compris et il a été convenu qu'elle l'accompagnerait aujourd'hui pour faire sa demande officielle...

image

      Et elle ajouta, après une courte pause:

      —Il a un peu de fortune... il est diplomate et il s'appelle Gontran de Flammermont.

      A

Скачать книгу