Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper

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Le corsaire rouge - James Fenimore Cooper

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Tophet est-il recherché par les chrétiens en prière? Il y a peu de marins sur le vaste Océan, fussent-ils aussi braves à la guerre que l’était Josué, le grand capitaine juif, qui n’aimassent mieux voir la terre que les voiles de ce maudit pirate. Les hommes combattent pour la gloire, Pardon, comme je puis dire l’avoir vu, après avoir traversé tant de guerres; mais personne n’aime à rencontrer un ennemi qui de prime abord hisse un étendard sanglant, et qui est prêt à faire sauter en l’air amis et ennemis, s’il vient à trouver que le bras de Satan n’est pas assez long pour le secourir.

      –Si le coquin est si enragé, reprit le jeune homme redressant ses membres vigoureux d’un air d’orgueil, pourquoi l’île et ses plantations n’envoient-elles pas un vaisseau côtier pour nous le ramener ici, afin qu’il puisse jouir du spectacle d’un gibet salutaire? Que le tambour batte à cet effet dans notre voisinage, et je réponds qu’il se présentera un volontaire pour le moins.

      –Voilà bien les propos d’un homme qui n’a jamais vu la guerre! Que serviraient les fléaux et les fourches contre des hommes qui se sont vendus au diable? On a souvent vu le Corsaire la nuit, ou au moment où le soleil venait de se coucher, à côté des croiseurs de Sa Majesté, qui, ayant bien entouré les brigands, avaient de bonnes raisons pour croire qu’ils les tenaient déjà dans les fers; mais quand le matin venait, l’oiseau était déniché, le diable sait comment!

      –Et les scélérats sont si altérés de sang qu’on les a surnommés Rouges?

      –Tel est le titre de leur chef, répondit le digne tailleur, tout fier de l’importance que lui donnait la connaissance d’une légende si remarquable, et tel est aussi le nom qu’ils donnent au vaisseau; car aucun homme qui y a mis le pied n’est jamais revenu dire s’il en avait un autre meilleur ou pire,–mon Dieu non! ni voyageur ni matelot. Le bâtiment est du calibre d’un sloop royal, à ce qu’on dit, et semblable au sloop pour la forme et pour l’équipement. Mais il a échappé miraculeusement à plus d’une brillante frégate, et une fois,–on se le dit tout bas, car aucun loyal sujet n’oserait prononcer tout haut un aussi scandaleux récit,–il resta pendant une heure entière sous le feu d’un vaisseau de cinquante canons, et il parut à tous les yeux s’enfoncer comme la sonde jusqu’au fond de l’eau; mais au moment où chacun battait des mains, et félicitait son voisin de l’heureuse punition des coquins, il entra dans le port un bâtiment des Indes occidentales, qui avait été pillé par le Corsaire le matin même après la nuit où l’on pensait qu’ils étaient partis tous ensemble pour l’éternité. Et ce qui rend l’affaire encore pire, jeune homme, c’est que, tandis que le vaisseau du roi se radoubait, et qu’on bouchait les ouvertures faites par les boulets de canon, le Corsaire courait des bordées le long de la côte, aussi frais et aussi dispos que le jour où il était sorti du chantier.

      –Eh bien! voilà qui est inouï! répondit le campagnard, sur qui le récit commençait à faire une impression sensible. Est-ce un vaisseau bien tourné, et qui soit beau à voir? Et, pour tout dire, est-on bien sûr que ce soit un vaisseau vivant?

      –Les opinions diffèrent: les uns disent oui, les autres non. Mais je connais parfaitement un homme qui a voyagé une semaine dans la compagnie d’un marin qui, emporté par une bourrasque, a passé à la distance de cent pieds de ce vaisseau. Bien lui en a pris que la main du Seigneur se fit sentir si puissamment sur les flots, et que le Corsaire eût assez à faire d’empêcher son propre bâtiment de s’abîmer. L’ami de mon ami vit donc parfaitement et le vaisseau et le capitaine, sans courir le moindre danger. Il disait que le pirate était un homme qui pouvait être plus gros de moitié que le grand prédicateur, là-bas, qu’il avait des cheveux de la couleur du soleil dans un brouillard, et des yeux qu’aucun homme n’aimerait à regarder une seconde fois. Il le vit aussi bien que je vous vois; car le coquin se tenait sur le tillac de son vaisseau, faisant signe à l’honnête marchand, d’une main aussi large qu’un pan d’habit, de ne pas avancer, de crainte que les deux navires ne s’endommageassent en se heurtant.

      –C’était un intrépide marin que ce marchand, pour oser approcher si près d’un pareil brigand sans pitié.

      –Je vous assure, Pardon, que c’était diablement contre sa volonté. Mais la nuit était si obscure!

      –Obscure! interrompit l’autre. Comment réussit-il donc à voir si bien?

      –C’est ce que personne ne saurait dire, répondit le tailleur: mais pour ce qui est de voir, il a bien vu tout ce que je vous ai dit. Bien plus, il a pris bonne note du vaisseau, afin de pouvoir le reconnaître, si le hasard ou la Providence le remettait jamais sur son passage. C’était un long bâtiment noir, enfoncé dans l’eau comme un serpent dans le gazon, ayant un air de scélératesse diabolique, et d’une dimension tout à fait malhonnête. Ensuite tout le monde dit qu’il paraît voguer plus vite que les nuages, et qu’il semble s’inquiéter peu de quel côté souffle le vent; aussi ajoute-t-on qu’il n’est pas plus facile d’échapper à sa poursuite qu’au traitement qu’il vous prépare. D’après tout ce que j’ai entendu dire, il a quelque rapport avec ce bâtiment négrier là-bas qui a mouillé la semaine passée, Dieu sait pourquoi! dans notre havre d’entrée.

      Comme le tailleur babillard avait nécessairement perdu beaucoup de moments précieux à raconter l’histoire qui précède, il se mit alors à les réparer avec une extrême activité, en aidant le raide mouvement de la main tenant l’aiguille par des gestes correspondants de la tête et des épaules. En même temps le paysan, dont l’esprit était tout rempli de ce qu’il venait d’entendre, tourna les yeux sur le vaisseau que l’autre lui montrait du doigt, pour en prendre une idée, et se bien mettre dans l’esprit tout ce qui avait rapport à une histoire aussi intéressante, afin de pouvoir la raconter ensuite dans tous ses détails. Il y eut nécessairement un instant d’interruption dans l’entretien, pendant que les deux interlocuteurs s’occupaient ainsi chacun de leur côté. Mais le silence fut soudainement rompu par le tailleur, qui coupa le fil avec lequel il venait d’achever le costume de Pardon, jeta tout sur l’établi, releva ses lunettes sur son front, et croisant ses bras sur ses genoux de manière à former avec ses jambes un labyrinthe parfait, pencha son corps en avant, assez pour passer la tête hors de la fenêtre, dirigeant également ses regards vers le vaisseau sur lequel les yeux de son compagnon restaient constamment fixés.

      –Savez-vous, Pardy, lui dit-il, quelles pensées étranges, quels cruels soupçons me sont venus dans l’esprit relativement à ce vaisseau? On dit que c’est un négrier venu ici pour prendre de l’eau et du bois; voilà une semaine qu’il est là, et je veux mourir si l’on y a transporté seulement une planche; pour ce qui est de l’eau, je vous réponds que pour une goutte d’eau il en passe à bord au moins dix de rhum de la Jamaïque. Ensuite vous pouvez voir qu’il a jeté l’ancre dans un endroit où il n’y a qu’un seul canon de la batterie qui puisse l’atteindre; tandis que si c’eût été réellement un timide vaisseau marchand, il se serait naturellement mis dans un lieu où, si quelque corsaire avide venait rôder autour du port, il l’aurait trouvé dans le plus chaud du feu.

      –Vous êtes bien futé, bonhomme, répondit le paysan ébahi; eh bien! un vaisseau se serait mis sous la batterie même de l’île, que je l’aurais à peine remarqué.

      –C’est l’usage, c’est l’expérience, Pardon, qui fait des hommes de nous tous. Je dois savoir quelque chose des batteries, moi qui ai vu tant de guerres, et qui ai servi pendant une campagne d’une semaine dans ce même fort, quand le bruit se répandit que les Français envoyaient une flotte de Louisbourg croiser le long de la côte. Dans cette occasion, j’eus pour consigne de faire sentinelle auprès de ce même canon, et j’ai vingt fois pour une examiné la pièce dans tous les sens, afin de voir dans quelle direction le coup partirait en cas que le malheur voulût qu’il devînt

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