Le Tour de l'Espagne en Automobile. Pierre Marge

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Le Tour de l'Espagne en Automobile - Pierre Marge

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Le Cid demanda un jour à son parrain, un clerc du nom de Peyre Pringos, de lui faire don d'un des nombreux poulains qu'il possédait en ses prairies. Celui-ci ayant accédé à sa demande, Rodrigue entra dans le parc où se trouvaient les juments et leurs poulains; il les passait tous sans fixer son choix lorsqu'avisant un poulain galeux et fort laid, il dit à son parrain:

      «Je veux celui-ci.—Son parrain s'écria: Babieca (imbécile)! vous avez mal choisi.—Mais le Cid répondit: celui-ci sera bon cheval et aura nom Babieca. Et en effet ce cheval fut bon et fortuné, et sur lui Mon Cid vainquit depuis en plusieurs batailles rangées [11].»

      Après l'évacuation de la ville par les Castillans, les Maures en reprirent possession et pour deux siècles encore Valence participa au rayonnement de l'admirable civilisation arabo-espagnole.

      Dans la soirée, nous nous sommes rendus à l'Alameda, où nous avons vu s'agiter tout ce que Valence compte d'élégances. Toute ville espagnole, grande ou petite, a son alameda: c'est la promenade publique, boulevard ou place, toujours copieusement ombragée, où la population oisive se donne rendez-vous un peu avant le coucher du soleil. L'Alameda de Valence est extrêmement vaste: 800 mètres de long; elle s'étend en dehors de la ville, de l'autre coté du rio Turia, qu'on traverse pour s'y rendre, sur le Pont del Real, longue construction à dix arches d'origine mauresque.

      A la tombée de la nuit nous remarquâmes que tous les équipages se dirigeaient vers un endroit commun, nous fîmes prendre au nôtre la même direction et après avoir suivi une très longue avenue bordée d'ombrages, nous nous trouvâmes au Grao, le port de Valence.

      C'est aujourd'hui le 15 août, il y a fête au Grao, fête religieuse, fête de la Vierge. Nous avons le plaisir d'assister à une de ces curieuses processions espagnoles pour lesquelles se déploie un luxe inouï. Ce n'est pas une file ininterrompue de prêtres et de cierges, de bannières et de clercs; non, la procession est composée de toute une série de sous-processions, de processions partielles, qui se promènent indépendamment sur des itinéraires souvent différents et qui ne se trouvent réunies qu'au départ et qu'à l'arrivée. On voit passer la Sainte Vierge, grandeur naturelle, vêtue d'habits d'une richesse fabuleuse, couchée sur des coussins de soie et d'or et portée sur un splendide palanquin. Elle est précédée, suivie, entourée de cierges et de lampions si nombreux, si grappés qu'on dirait des arbres lumineux qui déambulent. Et cependant un détachement de soldats suit, avec tambours qui battent une marche lente et triste.

      Villanueva del Grao est un port tout à fait moderne, sûr et bien aménagé; c'est de là que partent pour tous les pays d'Europe mandarines, oranges, citrons et raisins.

      Il y a une très jolie plage au Grao; d'élégants bains de mer y sont installés et nous vîmes la mer fourmillante de baigneurs.

      De retour à Valence, après un dîner délicat à l'hôtel, nous allâmes nous installer dans un café de la calle de la Paz, la nouvelle et la plus belle rue de la ville, et nous regardâmes défiler devant nous les Valenciennes, jolies sous la mantille. Les hommes sont ici vêtus comme en France, et, ma foi, presque toutes les femmes aussi; il y a très peu de mantilles, et c'est regrettable, car une femme est toujours plus jolie sous cette gracieuse coiffure que sous le chapeau.

       Table des matières

      Valence a un air bien spécial avec ses nombreux clochers brillant au soleil et mêlant au bleu du ciel le bleu de leurs azulejos.

      La cathédrale s'élève sur un emplacement qui supporta successivement: un temple romain, une église wisigothe, une mosquée arabe. La plupart des cathédrales espagnoles a été la résultante d'une pareille succession sur un même emplacement. C'est un assez bel édifice de style gothique du quatorzième siècle. Le clocher ou Tour du Miguelete est extrêmement original; une grosse tour trapue, octogone, basse, qui semble détachée d'un rempart du moyen âge; au sommet du clocher s'agite régulièrement le Miguelete, la cloche de Saint-Michel qui sonne les heures d'irrigation de la huerta. C'est que cette huerta, la richesse de la ville et du pays, tient une grande place dans la vie des Valencins. Tous les jeudis, devant la principale porte de la cathédrale, en plein air sur la place, siège le Tribunal de las Aguas, vieille institution mauresque qui subsiste encore de nos jours et qui est chargée de régler tous les différends issus de l'irrigation de la huerta. Il y a peu d'eau en Espagne; or dans la campagne de Valence on en tire tout le parti possible, c'est une valeur précieuse, d'où contestations, réglementations. Les Maures avaient admirablement utilisé le peu d'eau de l'Espagne et su fertiliser tout ce pays; les Valencins ont le mérite d'avoir conservé ces traditions et maintenu leur contrée dans le même état de prospérité. Hélas! bien peu de villes d'Espagne ont eu la même intelligence!

      Un des plus beaux monuments de Valence est la Lonja de la Seda, le Palais de la Soie, construit sur l'emplacement de l'ancien Alcazar arabe. C'est du gothique le plus élégant, le plus pur, le plus harmonieux qui se puisse voir. A l'intérieur,—la salle de la Bourse,—il y a un hall immense supporté par une série de colonnes aussi sveltes qu'infiniment hautes, qui est surprenant de hardiesse et d'harmonie. Nous sommes restés là à admirer, bouche bée, surpris autant que charmés devant pareille merveille.

      Non loin se trouve une des portes de la ville appelée les Torres de Cuarte; deux énormes tours encadrent la porte et forment un ensemble assez approchant des Torres de Serranos [12].

      Nous passâmes sous cette porte pour aller visiter le Jardin Botanique où se trouvent réunies une grande quantité d'essences rares des pays chauds. Mais quel entretien déplorable, quelle nonchalance vraiment espagnole! Les arbres ne sont jamais émondés, les feuilles sèches couvrent le sol, la plupart des étiquettes sont effacées, illisibles ou absentes. L'Espagne et les Espagnols sont ce que je trouve de plus rapproché des Turcs et de la Turquie sous le rapport du fatalisme et du laisser-aller. Ces peuples ont horreur du geste inutile et pour eux les gestes qui peuvent procurer propreté, commodité ou confort sont superflus!

      En résumé, Valence est une ville assez jolie, agréable, curieuse surtout, dont j'ai conservé bon souvenir et où je retournerai volontiers. Il y fait chaud, mais la brise de mer et les excellentes boissons glacées, bebidas helladas, rafraîchissent très suffisamment l'extérieur et l'intérieur du corps des habitants et des touristes. Car il faut avouer que les Valencins sont admirablement outillés pour se procurer la jouissance qui résulte naturellement de la chaleur: boire très frais quand on a bien chaud, qu'y a-t-il de meilleur? Certains établissements ne débitent que des boissons glacées. C'est effrayant ce que nos corps, transformés en éponges, absorbaient de bebidas helladas: limon, naranja, fresa, grosella, frambuesa, pina, zarzaparilla, bresquilla, azahar, agraz, nectarsoda.

      C'est à Valence que j'ai commencé à être frappé par la lumineuse clarté du ciel espagnol. Au milieu de la journée la lumière est si intense qu'elle semble pénétrer tout, tout est lumineux, blanc; on dirait même que l'ombre n'existe pas, les reflets sont tellement puissants qu'ils jettent de la clarté dans les ombres et que là où il devrait y avoir du noir on voit quand même du blanc. Le bleu du ciel est si pâle qu'il paraît blanc; ce dernier point est celui qui m'a le plus frappé: le ciel est si irradiant de lumière qu'il semble ne faire qu'un avec le soleil.

      Ce n'est qu'en plein été évidemment qu'on peut voir cela et je m'applaudis encore d'avoir choisi cette époque pour faire mon voyage.

      Il n'y a de réellement très chaudes que les heures qui avoisinent midi; nous en avons fait l'expérience hier

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