Le Tour de l'Espagne en Automobile. Pierre Marge

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Le Tour de l'Espagne en Automobile - Pierre Marge

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de Bivar, le valeureux chevalier Le Cid Ruy Diaz Campeador, fut élevé à la cour du roi Don Ferdinand Ier, roi de Castille et de Léon (1017-1057). La légende rapporte à la gloire du Cid de nombreux exploits dont il aurait été le héros déjà sous le règne de ce prince; le vieux roi Ferdinand avait fini par le prendre comme unique conseiller, ce qui avait soulevé contre le Cid de redoutables haines issues des jalousies des courtisans. Ce roi don Ferdinand, au lieu de laisser ses états à l'aîné de ses fils, les partagea en trois parts qu'il attribua à chacun de ses enfants, dans la pensée louable mais maladroite de mieux pacifier l'Espagne catholique. L'aîné, don Sanche, eut la Castille, la Navarre et l'Estramadure; le second, don Alphonse, fut mis à la tête de Léon et des Asturies; enfin le troisième, don Garcie, eut pour sa part la Galice et une partie du Portugal [6].

      Une pareille distribution, au lieu de pacifier les États du vieux roi, y déchaîna au contraire, dès sa mort, de terribles guerres. Les trois frères, qui voulaient chacun la totalité des États de leur père, se livrèrent maintes batailles à la suite desquelles don Sanche, l'aîné, qui avait l'appui du bras invincible du Cid, réduisit à l'état de vassalité le royaume de don Garcie et s'empara de celui de don Alphonse, qui fut obligé de s'enfuir et ne trouva un refuge qu'auprès du roi maure de Tolède, Ali Maynon.

      Le roi don Sanche ayant été assassiné pendant qu'il faisait le siège de Zamora en 1077, don Alphonse quitta les Sarrazins, qui l'avaient toujours bien traité, pour monter sur le trône de Castille et de Léon. La noblesse de Castille soupçonnait don Alphonse d'avoir trempé dans le meurtre de son frère et le courageux Cid ne craignit pas d'exprimer publiquement ce soupçon au nouveau roi, de sorte que celui-ci fut contraint de jurer solennellement en l'église de Sainte-Agathe à Burgos qu'il était innocent de toute participation à ce meurtre, mais il en garda désormais une dure rancune contre le Cid, rancune qui, en maintes occasions, fut habilement exploitée par les courtisans contre le valeureux chevalier.

      Le serment prêté, le Cid se rangea complètement du côté du roi et mit sa brave épée à son service. Il se signala alors par de nombreux combats glorieux que don Alphonse paya bientôt par la plus noire ingratitude. Sous prétexte que le Cid, revenant d'une expédition, avait pillé sur les territoires du roi de Tolède, l'ancien protecteur de don Alphonse, celui-ci, habilement circonvenu par ses courtisans, le bannit de son royaume.

      Le Cid partit avec de nombreux chevaliers, décidés à suivre sa fortune, et une armée de plusieurs milliers d'hommes. Il laissa à Bivar sa femme dona Chimène et ses filles. C'est maintenant que s'ouvre la carrière la plus brillante du chevalier légendaire.

      Le Cid exilé résolut de se tailler un royaume à la pointe de son épée et soit par les armes, soit par la trahison et la ruse qui étaient ses moyens de prédilection, il réussit, en effet, à conquérir sur les Maures un véritable empire. Il vainquit le roi maure de Saragosse qui fut contraint de se déclarer son vassal; il défit les troupes arabes du roi de Dénia; il vainquit et fit même prisonnier le comte de Barcelone don Raymond sur lequel il conquit sa fameuse épée Colada. Dans ses chevauchées, le Cid vainquit encore les troupes du roi d'Aragon, assiégea et enleva de nombreux châteaux mauresques, razzia maintes villes arabes et porta sa gloire et ses richesses à un si haut point que le roi don Alphonse ne put lui tenir rigueur plus longtemps et, soit par reconnaissance pour le Cid qui, après chaque nouvelle victoire, lui donnait une marque de vassalité, soit plutôt parce qu'il avait besoin d'une aussi redoutable épée, lui accorda pardon et honneurs.

      Le Cid allait bientôt porter sa gloire à son apogée. Il vint mettre le siège devant Valence. Après dix mois de siège acharné il s'en empara... Mais j'aime mieux laisser la parole à l'historien arabe [7]:

      «Il entra dans Valence l'an 488 [8], en usant de fraude selon sa coutume. Cette terrible calamité frappa comme un incendie toutes les provinces de la péninsule et couvrit toutes les classes de la société de douleur et de honte. La puissance de ce tyran alla toujours en croissant, de sorte qu'il pesa sur les contrées basses et sur les contrées élevées, et qu'il remplit de crainte les nobles et les roturiers. Quelqu'un m'a raconté l'avoir entendu dire dans un moment où ses désirs étaient très vifs et son avidité était extrême: «Sous un Rodrigue [9] cette péninsule a été conquise: mais un autre Rodrigue la délivrera.»—Parole qui remplit les cœurs d'épouvante et qui fit penser aux hommes que ce qu'ils craignaient et redoutaient arriverait bien tôt. Pourtant cet homme, le fléau de son temps, était par son amour pour la gloire, par la prudente fermeté de son caractère et par son courage héroïque, un des miracles du Seigneur.»

      En véritable souverain, le Cid s'installa dans l'Alcazar et depuis lors Valence s'appela Valencia del Cid.

      Pour en terminer avec notre héros, j'ajouterai qu'après son entrée dans Valence il envoya un message au roi don Alphonse pour lui annoncer que lui et sa nouvelle conquête se mettaient à sa disposition. Il fit venir auprès de lui dona Chimène, sa femme, et ses filles et s'apprêta à régner en vrai roi. Mais d'autres combats lui étaient réservés: un roi maure du Maroc, avec une armée forte de plus de deux cent mille hommes vint par mer mettre le siège devant Valence pour la reprendre aux infidèles.

      Après maints combats, le roi marocain fut repoussé avec de grandes pertes et fut contraint de regagner honteusement ses vaisseaux. Ce fut au cours de ces batailles que le Cid conquit sa seconde et plus fameuse épée: Tizona. Les Maures du Maroc revinrent quelques années après en nombre plus considérable; le Cid les défit et les obligea de nouveau à regagner leurs vaisseaux.

      Le légendaire héros devait remporter la victoire même après sa mort. Surpris par la maladie et sentant sa fin proche il donna ses derniers ordres à dona Chimène et à ses plus fidèles lieutenants, leur annonça que dans peu de jours il aurait cessé de vivre et qu'il voulait que son corps fût embaumé pour conserver le plus longtemps possible après sa mort l'apparence de la vie; il leur apprit qu'il avait reçu avis qu'une armée marocaine, plus puissante encore que les premières, était en route pour venir assiéger Valence, et qu'il voulait que sa présence et son nom, bien que mort, leur servissent à remporter encore une fois la victoire. Il donna minutieusement toutes ses instructions pour que sa dernière ruse réussît. Puis il mourut laissant sa femme seule devant la redoutable perspective d'une formidable invasion arabe.

      La mort du Cid fut tenue absolument secrète. En effet, quelques jours après une immense flotte apparut devant Valence, il en descendit des nuées d'Arabes, commandés par trente-six rois et une reine, dit la légende, qui vinrent battre les remparts de la ville comme les flots de la mer. Suivant les ordres du héros défunt, celui-ci, armé de pied en cap, son épée Tizona à la main, ayant sur les joues de fausses couleurs de vie, fut solidement assujetti sur son cheval de bataille et les troupes castillanes furent conduites au combat par leur macabre chef. Il était écrit que le Cid, vivant ou mort, verrait toujours la victoire lui sourire: les Marocains furent dispersés et leur flotte les remporta encore plus vite qu'elle ne les avait apportés.

      Mais la mort du Cid ne pouvait être tenue longtemps cachée; sans l'auréole de gloire du héros qui entraînait ses troupes à la victoire et qui épouvantait les soldats arabes, la situation devenait intenable pour sa veuve dans cette Valence que les Maures s'acharnaient à vouloir reprendre. Sans coup férir, immédiatement après la bataille, dona Chimène et tous les catholiques évacuaient la ville et se retiraient en Castille, toujours accompagnés de l'invincible chevalier porté par son cheval Babieca [10].

      Qu'on me pardonne cette longue digression sur le Cid, mais le héros légendaire est si peu connu en général que j'ai cru bien faire en puisant aux vieilles chroniques espagnoles les détails les plus intéressants de sa glorieuse carrière. Peut-être la légende a-t-elle grossi ou embelli nombre de ses exploits, mais il est démontré que sa vie fut à peu près telle que je viens de la tracer à grands traits d'après des documents authentiques.

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