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jeune homme, je ne connais pas vos moyens, mais je ferais le pari de rester encore, à mon âge, plus longtemps que vous en selle aux allures vives, et de vous faire demander grâce. Aux dernières manœuvres que j’ai dirigées,—il y a de cela quatre ans au plus,—je semais derrière moi mes aides de camp...

      Lorsque le général abordait un sujet, il ne l’abandonnait pas de sitôt. De sorte qu’au lieu d’emmener Gilberte, il laissa s’organiser un cotillon: quelques figures improvisées seulement, car on manquait d’accessoires. Les jeunes gens prirent des fleurs dans les corbeilles pour les échanger avec les jeunes filles. Vincent reçut un brin de réséda et la mission de danser avec la demoiselle qui portait un brin semblable. Il la trouva tout de suite. C’était Gilberte.

      —Mais, dit-elle, avant de valser, nous devons échanger nos fleurs.

      Elle accepta celle du jeune homme, et, à son tour, lui fixa la sienne au revers de l’habit. Puis ils valsèrent sans mot dire. Ensuite, comme c’était la dernière danse et qu’une débandade s’opérait parmi les invités, ils se dirent au revoir.

      Un instant après, comme un groupe de gens empêchait M. de Villenoise d’approcher du vestiaire, il aperçut encore Mlle Méricourt à qui l’on passait sa sortie de bal. Avant de la fermer, elle ôta les fleurs du cotillon, épinglées sur son corsage, et qui, s’écrasant sous le manteau, auraient taché sa robe délicate. Elle les enlevait vivement, les laissait tomber à terre sans regarder autour d’elle, ne se sachant pas observée par lui, qui s’effaçait derrière d’autres personnes. Machinalement, il attendait qu’elle touchât le brin de réséda. Elle le prit et parut le jeter comme les autres. Mais, lorsqu’une seconde après elle éleva la main vers son cou pour remonter son col garni de plumes frisées, Vincent aperçut distinctement la fleurette qu’elle dissimulait dans sa paume.

      Un désir ardent le prit de s’assurer qu’elle la gardait pour de bon, qu’elle l’emportait en souvenir.

      Il rejoignit la jeune fille et le général, s’inquiéta s’ils avaient une voiture. Il avait commandé son coupé, et il le mettait à leur disposition. M. Méricourt refusa, disant qu’il avait fait attendre un des landaus de la noce. Déjà le chasseur de l’hôtel partait pour faire entrer la voiture sous la voûte.

      Tandis que tous trois se tenaient sur le trottoir du péristyle, Vincent remarqua que Gilberte gardait obstinément sa main droite cachée sous sa sortie de bal, où elle l’avait glissée d’un geste vif en le voyant s’approcher.

      Un fracas ébranla les murs; les pas des chevaux sonnèrent sur les dalles, et, dans la cour, le landau tourna, s’arrêta devant eux. Alors le jeune homme se découvrit pour accepter la main que lui offrait le général. Comme il restait le bras à demi étendu, Gilberte comprit qu’il attendait de sa part une semblable faveur. Gauchement, pour lui présenter sa main libre, elle appuya du coude contre sa poitrine un éventail qu’elle tenait. L’éventail glissa. Gilberte eut un mouvement involontaire; et, sous la sortie de bal, une seconde écartée, M. de Villenoise vit distinctement qu’elle n’avait pas lâché sa fleur.

      Ce fut sans doute à cause de cela que, dans son coupé, en revenant chez lui, il ôta le brin de réséda piqué dans sa boutonnière, s’y caressa la moustache avec un geste lent et rêveur de la tête, puis, l’étalant de façon à le froisser aussi peu que possible, il le glissa dans son porte-cartes.

       Table des matières

      La rue Jean Goujon s’étendait, déserte et sèche, entre les façades de ses maisons bleuies de nuit claire et écrasées de silence, lorsque le coupé de M. de Villenoise y réveilla des sonorités inattendues.

      Il était une heure du matin. Tout dormait ou semblait dormir, dans ce quartier riche, où l’épaisseur des murs doublés de tentures somptueuses défend et appesantit le repos des habitants. Aussi la voix du cocher sonna-t-elle avec une étrangeté presque lugubre quand il cria, tout à travers cet engourdissement de sommeil:

      —La porte, s’il vous plaît!

      Après le déchirement de ce cri, tout sembla plus muet et plus mort. Mais, presque aussitôt, deux battants s’écartèrent, ouvrant dans la nuit une baie de clarté. La voiture s’y engouffra. Vincent mit pied à terre dans un grand vestibule, où une seule lampe électrique, enfermée dans un calice de verre jaune, éclairait le pied d’un escalier et quelques palmes d’un camœrops gigantesque, en laissant au delà tout un enfoncement d’obscurité.

      —Monsieur, dit un valet qui tendait un plateau sur lequel apparaissait, parmi plusieurs lettres, le rectangle bleu d’un télégramme, cette dépêche est arrivée voilà deux heures à peine. Autrement, je l’aurais portée à Monsieur, soit chez M. Méricourt, soit à l’Hôtel Continental.

      Vincent prit les papiers sans répondre, jeta un coup d’œil sur les écritures des enveloppes; puis, sans se presser, il ouvrit la dépêche. Comme il n’attendait rien de pénible ou d’heureux, ce télégramme, qui cependant ne venait pas de Paris,—car ce n’était pas la carte fermée des communications pneumatiques,—ne lui causait nul sursaut d’émotion ou de curiosité.

      Il le lut d’un regard froid et continua de le regarder ensuite, sans qu’à cette contemplation aucun éclair s’allumât dans ses prunelles. Pourtant, il ne composait sa physionomie pour personne, pas même pour Prosper, son valet de chambre, qui, aussitôt les lettres remises, était monté dans le cabinet de toilette, afin de toucher le commutateur des lumières électriques et de préparer l’eau chaude.

      La dépêche était datée de Cannes et contenait ces mots:

       Portrait terminé. Serai à Paris dans trois ou quatre jours. Ne puis plus attendre joie de vous revoir.

      Sabine.

      Ces deux lignes, que composaient les caractères détachés et sans expression du télégraphe, retenaient, comme par une fascination morne, les regards et les pensées de Vincent. Le jeune homme restait d’une immobilité de statue, sans un tressaillement de plaisir ou d’impatience, sans un sourire, ou une nervosité, ou un dédain. A la fin, une grande pitié triste monta dans ses yeux. Il murmura:

      —Pauvre femme!

      Puis il monta l’escalier, lentement, avec une hésitation de tout le corps où se trahissait bien l’indécision, l’anémie de la volonté, qui était comme la diathèse de son âme.

      Pourtant, il ne songeait point à s’imposer une ligne de conduite nouvelle. Nul effort nécessaire ne sollicitait son énergie. Sa vie était organisée suivant les exigences de certains devoirs aux-quels Vincent ne rêvait point, même un instant, de se soustraire. Mais la seule résolution d’examiner si, tout au fond de lui-même, un sentiment ne venait pas de s’éveiller qui lui rendrait peut-être pénible désormais l’accomplissement de tels devoirs, lui semblait difficile à prendre. S’interroger virilement lui apparaissait comme essentiel et cependant lui coûtait trop. Que deviendrait-il s’il découvrait qu’il aimait, ou tout au moins qu’il était capable d’aimer?... Alors qu’il avait cru si bien engourdir son cœur pour le livrer jusqu’à la mort, sans flamme ardente mais toutefois sans regret, et comme l’acquit d’une dette d’honneur, à cette Sabine, dont il avait involontairement brisé la vie.

      Certes,

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