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était déjà un peu humide. Je descendis le linge vers la caravane et allumai une bougie. Entre-temps dehors il faisait nuit noire. De temps en temps j’entendais une chouette hululer. Puis une autre, plus loin, lui répondit. Cela me rappelait l’album « Umma Gumma » des Pink Floyd. Je scrutais la caravane. Là il y avait son duvet, son sac à dos, et même ses chaussures de montagne se trouvaient là ! « Il ne peut pas être bien loin ! », me dis-je et me mis à dormir. J’avais bien du sommeil à récupérer !

      Mais le seul qui arriva était Jean-Paul avec sa bouteille de lait vert. « Où est Ludwig ? », demanda-t-il. Savait-il quelque chose qu’il ne me disait pas ? « En route, il ne va pas tarder à arriver ! », répondis-je malgré mon pressentiment qui me disait qu’il ne viendrait plus ! Car il aurait dû être là, où qu’il ait été ou à quel point il avait picolé ! Est-ce qu’il lui était arrivé quelque chose ? Avait-il eu un accident ? Était-il tombé dans un trou ? Ou était-il rentré à la maison ? Mais je rejetais de suite cette dernière pensée. Car toutes ses affaires étaient là, même sa carte d’identité ! Et puis Rudi, notre copain autrichien voulait venir le récupérer dans dix jours. En plus, il m’avait promis de m’aider quatre semaines au chantier ! « Il peut déjà être loin ! », songea Jean-Paul. « Comment ça ? », voulus-je savoir. « Comme ça … peut-être même qu'il est mort… » Je cessai de parler de lui et attendis que l’adolescent s’en aille. « Un jour quelqu’un le trouvera ! », dit-il en s’allumant une clope. Puis il me fit un clin d’œil avant de descendre vers le village.

      *

      Aujourd’hui le travail ne voulait pas avancer. Je ne cessais de penser à Ludwig. Je me remémorais toutes les aventures que nous avions vécues ensemble. Non, c’était impossible qu’il ait foutu le camp comme ça, après toutes ces galères communes (voir mon livre : ‘Contes d’Hiver’) ! Je redescendis encore vers la caravane et fouillais partout à la recherche d’un mot ou d’un signe. Rien ! Je remontai vers la maison, mais bifurquai à droite en montant la colline. Je suivis chaque passage d’animaux, chaque trace qui aurait pu être de lui, étant préparé au pire ! Mais toujours rien ! J’arrivai à l’endroit où les terres en friche faisaient place à la forêt de hêtres et l’appelai. Mais le bruissement du ruisseau était la seule réponse que le vent me renvoyait, par vagues. En suivant ce bruissement je me trouvais bientôt devant un petit cours d’eau qui descendait impatiemment dans un ravin raide. Je le suivis en longeant son bord et me trouvai tout à coup devant des crevasses profondes, cachées par des feuilles, qui pénétraient dans la roche à travers la couche d’humus de la forêt. Elles avaient été faites par la main de l’homme. Ici, il y a longtemps, on avait fait des ardoises pour les toits.

      En glissant sur la couche profonde de feuilles vers le bas du talus je me trouvai en face de galeries étroites qui pénétraient dans la montagne. Je pris la première. Mes pieds patinaient sur des dalles cachées sous les feuilles pourries. Le filon devait rentrer dans la roche de façon oblique. Au-dessus de ma tête s’inclinaient des plaques de schiste épaisses, fendues légèrement par l’humidité et le gel et déjà écartées de la roche solide, comme une épée de Damoclès, menaçant de tomber au moindre choc. L’haleine froide de la montagne m’enveloppait. Plus j’avançais dans l’obscurité humide, plus les mousses sur les rochers cédaient leur place aux algues, au fond il ne restait que la roche noire, nue. Les tailleurs de pierre avaient avancé jusque-là, jusqu’au jour où ils avaient subitement arrêté leur travail. Pourquoi ? Sur le sol le vent avait entassé des feuilles mortes, qui m’arrivaient jusqu’aux genoux. Je les écartai avec les pieds. Rien, à part les quelques blocs tombés du haut. En quittant les lieux j’aperçus un scintillement jaunâtre dans la roche. Je m’approchai. Ça ressemblait à de la poussière d’or. Avions-nous une mine d’or sur nos terres ? Bien sûr que non ! C’était sans doute de la pyrite, un amalgame sulfurique, aussi appelée l’or des fous. Car dans le cas contraire, les tailleurs de pierre auraient arrêté l’exploitation d’ardoise bien avant et un cratère géant se trouverait à la place de nos prairies !

      Il y avait plusieurs crevasses. Je devais toutes les inspecter ! Peut-être que Ludwig, en essayant d’explorer le terrain, avait glissé dans l’une d’entre elles et… Je repoussais toutes ces pensées noires et essayai de m’imaginer comment on avait travaillé à l’intérieur de ces puits. Sans doute que, munis de barres à mine, on avait détaché des gros blocs de la roche-mère, puis on les avait fendus en des plus petits avec des burins, en suite encore et encore, jusqu’à obtenir l’épaisseur voulue. Puis on les avait triés par taille et encore plus tard taillé leurs bords avec une sorte de hache large. En descendant je découvris des quais, des murettes surélevées, le plus souvent construites par la roche stérile ou des déchets, qui avaient sans doute servi à charger les dalles sur le dos des ânes pour le transport. Tout ceci avait depuis été recouvert d’une couche de mousse.

      Au-dessus de moi un long tronc d’arbre recouvert de mousse traversait une large crevasse. Je voulais voir à quoi il avait servi, car je sentais que des mains d’hommes l’avaient posé là. Je montai. C’était une rigole. Le tronc avait dû être creusé il y a fort longtemps pour y faire traverser un canal d’irrigation. Ces rigoles déviaient des deux côtés des cours d’eau comme des arêtes de poisson, puis traversaient les pentes et les prés à des fins d’irrigation. Parfois elles faisaient plusieurs kilomètres de long. De tels canaux arrivaient aussi devant notre maison. A cause d’un manque d’entretien ils avaient fini par être remplis de terre. Ils suivaient les flancs des montagnes comme des courbes de niveau sur une carte.

      Un vieil essieu de charrette gisait un peu plus en contrebas dans le lit du ruisseau. Les arceaux tordus des roues cassées mêlés aux rayons brisés étaient couverts d’une couche épaisse de rouille et de mousse. Que s’était-il passé ici ? Un transport de bois avait-il dégringolé la pente ? Je descendis à travers la forêt dont les arbres n’avaient toujours pas de feuilles, en suivant le cours d’eau. Bientôt un autre ruisseau rejoignit le premier et il me sembla entrer sur des terres encore utilisées. Les fortes pentes s’adoucissaient un peu et des bandes de prairies longeaient le ruisseau, bordées par des peupliers d’environ vingt ans. Le sentier se transforma en un chemin creux, dans lequel le ruisseau, à cause d’un glissement de terrain, avait pris son cours. En pataugeant, je suivis le chemin boueux et aperçus soudain derrière les arbres la décoration en colombage de notre caravane. Quelque chose bougeait à côté.

      Mais pas Ludwig. C’était Jean-Paul qui faisait boire ses vaches. « Où est Ludwig ? » fut sa première question. Je haussai les épaules. « Peut-être qu’il a été mordu par une vipère ? » dis-je. « Pour les vipères il fait encore trop froid ! », répondit-il. « Peut-être a-t-il fait une mauvaise chute ? », songeai-je. « Ou - peut-être que tu l’as tué ? », prononça-t-il lentement. Je me mis à rire, sans trouver ça drôle. « Laisse tes mauvaises blagues ! », lui rétorquai-je. « Je connais plein d’histoires de gens qui ont disparu et plus tard on a trouvé que quelqu’un les avait tués ! » Il me scrutait d’en bas avec ses yeux de porcelet comme pour me tester. Il cria « pico ! » à son chien. Celui-ci fit un bond et mordit la jambe de la vache qui était en train de boire. Avant même que celle-ci ne puisse lui donner un coup de pied, il s’était déjà écarté d’un mètre. Lentement elle fit demi-tour et se mit à suivre l’autre en direction de l’étable. Jean-Paul lui aussi se tourna et se mit à suivre les bêtes, laissant derrière lui un nuage de fumée gris-bleu. « L’avoir tué ! Quel idiot ! » Mais soudain je réalisais que les gens du village se racontaient peut-être cette histoire ! Une telle histoire ne peut avoir pris racine uniquement sur son fumier ! A mes soucis du copain disparu s’ajoutaient maintenant des soucis de soupçons de meurtre !

      *

      Je ne mangeai rien, et après un coup d’œil dans la maison je pris le combi pour aller voir les anciens propriétaires de la ferme. Arrivé là, on me proposa une bière, pendant qu’ils se servaient un Pastis. Désormais les gens connaissaient ma préférence pour

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