Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick

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Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger - Wolfgang Bendick Les Néo-Ruraux

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grignotaient le gros bois qui commençait à rayonner un peu de chaleur vers nous. Rudi semblait s’y connaître un peu en chasse et nous apprîmes que l’auberge portait le nom des chamois des Pyrénées, de plus petite taille que leurs cousins des Alpes, que l’on appelait ici isards.

      Les amis réclamèrent un autre Pastis. Entre-temps l’aubergiste avait posé une terrine énorme pleine de soupe dégageant des vapeurs alléchantes sur la table, saisit quatre assiettes profondes dans une étagère murale et les posa bien remplies devant nous. Que ça faisait du bien ! Après les premières cuillères une vague de chaleur agréable nous envahit jusque dans notre moelle dorsale. Bien sûr que nous ne refusâmes pas un deuxième remplissage ! Nous laissâmes quand même un petit reste, non par politesse, mais en pensant que les hôteliers aussi devaient manger… Suivit bientôt une terrine avec du pâté, un plateau avec d’énormes tranches de jambon et de saucisson, agrémenté de minuscules concombres très acides, appelé cornichons. Ils s’excusèrent de ne pas avoir de salade. Avec ça ils apportèrent un panier contenant du pain blanc découpé, une carafe de vin rouge et une cruche d’eau. Bien entendu, par un temps pareil nous ne touchâmes point à l’eau ! Soudain nous nous rendîmes compte que depuis le petit déjeuner, à part les quelques cacahuètes espagnoles, nous n’avions rien mangé et nous nous jetâmes sur le « casse-croûte ». Parfois, à travers la porte, l’aubergiste nous jetait un coup d’œil et semblait se réjouir de notre appétit. Ne sachant pas si après ce casse-croûte il y aurait autre chose, nous nous servîmes jusqu’à ce que les plateaux soient vidés. Nous nous sentions à nouveau comme des êtres humains !

      L’aubergiste rentra, portant quelques bûches dans les bras, qu’il posa sur la braise. Des étincelles tourbillonnaient et disparaissaient dans la hotte avec les flammes. Avant de sortir il ramassa les assiettes. « Ça semble être la fin ! », dit Rolf. « Moi pour ma part, j’en ai assez ! » Nous étions d’accord avec lui. Puis l’hôtelier revint et posa des assiettes apparemment préchauffées devant nous. « Il semble y avoir une suite ! », constata l’un d’entre nous. Et c’était bien ça ! Une bassine énorme pleine de pommes de terre bouillies fumantes fut hissée sur la table et une autre terrine pleine à ras bord d’une sauce sombre de laquelle émergeaient quelques morceaux de viande. Le parfum qui en émanait nous fit instantanément oublier que nous avions déjà mangé à notre faim. Et même moi qui étais végétarien, j’étais prêt à faire une autre exception. Et quand l’aubergiste nous annonça que ce ragoût venait d’un sanglier qu’il avait tué lui-même avant-hier dans la montagne, nous nous sentîmes comme les irréductibles Gaulois dans leur village au banquet final.

      La carafe se vidait ainsi que les terrines. La patronne nous regarda plusieurs fois. Était-elle vraiment si soucieuse de notre bien-être ou craignait-elle que nous finissions tous ses stocks ? Quand enfin nous étirâmes nos jambes et nous mîmes à l’aise, arriva une planche avec une demi-tomme d’un fromage un peu mou plein de petits trous. Quand on nous annonça solennellement que c’était un fromage du village appelé « Pic de la Calabasse » d’après la montagne la plus haute du coin, nous surmontâmes une fois de plus notre sensation de satiété et chacun en coupa un gros morceau. Sa consistance ressemblait un peu au « Räskas » de la Forêt de Bregenz, mais son goût était encore pire. Rudi demanda un peu d’ail pour garnir le morceau avec des tranches fines et saupoudrer le tout avec un peu de poivre et de sel. C’était un régal ! Rudi demanda une bonne bouteille de rouge. Après un moment l’aubergiste revint avec quelques bouteilles poussiéreuses et nous les mit sous les nez. Qu’est-ce nous connaissions en vin ? Sauf peut-être Rudi, qui sortit ses lunettes de manière compliquée et scrutait les étiquettes. En dégustant le fromage et le vin nous nous remémorions toutes les régions où nous avions déjà savourés les deux : Girlan, la vallée de Sarn, chez Hiesel, la vallée de Leckner… « Toutes sont des intersections cosmiques, Lourein aussi ! », nous expliqua Rudi.

      Plus tard la patronne remplaça le plateau de fromage presque vide par une galette en pâte feuilletée truffée de pruneaux, encore bien chaude, au parfum de beurre et d’eau de vie, la spécialité locale appelée « croustade ». A ceux qui en avaient envie, on servit un café épais. Puis le patron réapparut avec, cette fois, une seule bouteille dans une main et cinq verres dans l’autre. Il s’assit à notre table. Il déposa un verre devant chacun d’entre nous et le remplit à ras du liquide transparent de la bouteille. Nous trinquâmes et portâmes les verres à la bouche. Nos têtes virèrent au rouge et nous n’arrivions plus à respirer. Nous tous, sauf Rudi, reposâmes nos verres sur la table. Celui-là démontra à l’aubergiste qu’un natif de Vorarlberg peut bien rivaliser avec un Ariégeois ! Puis il nous offrit son tabac. Sur le paquet était écrit « Bergerac ». Est-ce que c’était le tabac de la bourgeoisie, le « Caporal » étant réservé aux bergers ? Mais ses feuilles n’étaient pas gommées non plus !

      « Qu’est-ce que vous faites ici à cette époque de l’année ? », voulait-il savoir, « Ce n’est pas un temps pour faire du tourisme ! » « Nous avons achetés une ferme dans le coin et voulons nous installer ici ! », expliquai-je. « Alors une communauté », constata-t-il, « On a déjà eu ça dans la commune ! » Je m’aperçus qu’il y avait un malentendu et lui expliquai. « Non, ce sont des amis qui donnent un coup de main pour retaper la maison. Ma famille viendra plus tard ! » Bien sûr, qu’il avait déjà entendu parler de nous. Tous semblaient parler que de nous ! Jean-Paul aussi avait déjà raconté ses histoires au bar. « Il faut être fou pour venir s’installer ici ! », conclut-il. Je le prenais plutôt comme une reconnaissance. En tout cas il connaissait Maryse, l’ancienne propriétaire de chez nous ainsi que notre ferme. Il y avait souvent été en cherchant des champignons. « Très pentu et très sauvage. Mais un bon coin pour les cèpes et les morilles ! » Au bout d’un certain temps la bouteille fut vide, ce que nous prîmes comme un signal de départ. Mais ce n’était pas si facile que ça ! Car soudain nous ressentîmes les séquelles d’un repas français ! Rudi régla l’addition en laissant un bon pourboire. Parce que nous avions bu vraiment plus que bien et bien plus qu’il n’en fallait !

      En rassemblant tous nos efforts, et en y ajoutant des blagues et conseils au chauffeur, nous réussîmes à monter la voiture sur la colline. La neige avait cessé de tomber et les pneus lisses trouvèrent enfin quelque chose à mordre sur la surface caillouteuse. Arrivé au bout de la route nous eûmes de la peine à quitter les sièges. Les trois autres dormirent dans la caravane pendant que je montai la côte en rampant, mon duvet se trouvant dans la maison. Heureusement j’avais une des couvertures en laine de chameaux dont Rudi faisait commerce. Celles-ci, à cause de petits défauts de tissage, ne coûtaient pas cher et il avait équipé tous ses amis avec. Le lendemain il reprit la route. Sans Ludwig. Celui-ci devait dormir chez lui, sur le canapé. Mais Rudi n’avait pas du tout regretté sa venue dans ce petit village Gaulois…

      *

      Les parquets étaient posés, les escaliers montés, les anciennes fenêtres arrachées et de nouveaux cadres posés. Ceux-ci avaient aussi pour fonction de soutenir les linteaux fatigués. Rolf et Reiner étaient repartis. J’étais de nouveau seul. A part Jean-Paul ou sa mère qui faisaient paître leurs brebis sur nos terres. Je leur avais permis. En contrepartie ils allaient labourer notre champ avec leur attelage de vaches, car avec leur tracteur énorme, un vieux AVTO rouge et russe, ils ne pouvaient guère monter ici. Ils l’auraient renversé. A environ trois cents mètres de la maison j’avais découvert une source et je me demandais comment je pouvais l’amener à la maison. Car l’idée de produire du courant avec une turbine me trottait dans la tête.

      Un soir, alors que je rentrais affamé avec plein de matériel de la ville, le restaurant était illuminé et les tables mises. Je m’arrêtai et demandai si je pouvais y manger. La patronne marmonna quelque chose concernant une soirée privée. Quand je remis le moteur en marche, l’un des participants approcha et me dit que je pouvais rester dîner avec eux. C’était le repas annuel des chasseurs et je serais le bienvenu, car ils chassaient aussi sur nos terres. « Peut-être un jour tu deviendras chasseur

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