L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793. Joseph Bertrand

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L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793 - Joseph Bertrand

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par exemple, chargé d’examiner le quatrième volume du traité de physique de l’abbé de Molière, se borne spirituellement et sans commentaires, à le déclarer digne de faire suite aux trois premiers.

      Lorsqu’il s’agissait d’un écrit de polémique, la loi était surtout étroitement observée, et nul ne pouvait s’y soustraire sans encourir le blâme sévère de ses confrères. On lit par exemple au procès-verbal du 13 décembre 1780: «J’ai dénoncé, c’est Condorcet qui parle, un écrit de M. Sage, imprimé sans l’aveu de l’Académie, dans lequel il se trouve plusieurs passages qui peuvent être désagréables à M. Tillet. M. Sage écrit à la séance suivante pour donner des explications, mais l’Académie décide, après avoir entendu lecture de sa lettre, qu’il n’y sera pas fait de réponse.»

      Quelle que fût la contrariété des opinions, les discussions entre confrères devaient être courtoises. L’Académie le rappela plus d’une fois sévèrement à ceux qui semblaient l’oublier. L’astronome Lefèvre, possesseur d’un privilége pour la Connaissance des temps, ayant été repris d’erreur par Lahire, l’avait violemment attaqué et invectivé dans la préface de l’un de ses volumes.

      «Je ne puis me dispenser, disait-il, de répondre aux invectives d’un petit novice, auteur supposé d’une année d’Éphémérides imprimées depuis peu de temps. Ce nouvel auteur, rempli d’un esprit de vanité de présomption et de mensonge, dit dans la préface de ses Éphémérides que le grand nombre d’opérations et de calculs dans lesquels il n’est pas possible qu’il ne se glisse quelque erreur lui fait craindre de ne pouvoir pas répondre à l’attente du public, mais qu’il espère au moins que l’on n’y trouvera pas les éloignements du ciel aussi grands qu’on le voit dans des éphémérides qui sont fort estimées, et dans lesquelles l’auteur se trompe d’une demi-heure sur l’époque de l’éclipse du 15 mars 1699. On répond à ce jeune novice que l’éclipse a été bien calculée, mais qu’on s’est trompé en prenant un logarithme.» La punition fut prompte et sévère. «M. le président, dit le procès-verbal du 17 septembre 1700, a dit que dans la préface de la Connaissance des temps pour 1701, composée par M. Lefèvre, il y avait des choses dures et offensantes pour MM. de Lahire père et fils qui étaient suffisamment désignés, quoiqu’ils ne fussent pas nommés. M. le comte de Pontchartrain, qui avait trouvé cette conduite entièrement contraire au règlement, avait voulu d’abord que M. Lefèvre fût exclu de l’Académie, et cependant à la prière de M. le président, il s’était relâché à permettre qu’il continuât d’y prendre séance à l’avenir, à condition qu’il retirerait aussitôt tous les exemplaires de son livre qui étaient chez l’imprimeur pour en échanger la préface, qu’il en ferait une autre où il rétracterait tout ce qu’il avait dit de MM. de Lahire et que de plus il leur demanderait pardon en pleine assemblée. M. le président a ajouté que M. le chancelier retirerait le privilége qui avait été accordé à M. Lefèvre pour la Connaissance des temps, parce qu’il en avait abusé. L’heure de la séparation de l’assemblée ayant sonné avant que M. le président eût entièrement achevé de parler, M. Lefèvre n’a rien répondu et on s’est séparé.»

      Quinze jours après on lit au procès-verbal: «M. le président m’a donné à lire une lettre qui lui a été écrite par M. Lefèvre. Il lui mande que sa santé ne lui a pas permis de se trouver à l’assemblée précédente ni à la suivante, mais qu’il se soumettra plutôt que de renoncer à l’Académie et qu’il viendra au premier jour faire telle réparation qu’on lui ordonnera.

      «Comme l’assemblée se séparait, MM. de Lahire et tous les autres académiciens ont été de leur propre mouvement prier M. le président de vouloir bien dispenser M. Lefèvre de demander pardon en pleine assemblée. M. le président s’est laissé fléchir.» Lefèvre cependant ne reparut plus à l’Académie, et dès l’année suivante on lui appliquait rigoureusement le règlement qui prononce l’exclusion de tout membre absent plus d’un an sans congé.

      Les médecins et les chirurgiens portèrent aussi plus d’une fois dans l’Académie l’esprit de haine, de dissension et d’envie dont leurs corporations ont été si longtemps affaiblies et troublées. Le triomphe des médecins depuis le milieu du XVIIe siècle paraissait définitif et complet. Dédaigneux autrefois de ce qu’ils appelaient la petite chirurgie, les maîtres chirurgiens, qui dans leurs examens de l’école de Saint-Côme avaient acquis le droit de se dire chirurgiens de robe longue, abandonnaient aux barbiers le soin de saigner, d’appliquer les vésicatoires et les ventouses, de panser les plaies légères, et de soigner enfin les bosses, apostumes et contusions. Il n’était besoin pour cela ni d’une science profonde, ni de culture littéraire, mais les limites étaient vagues et les fraters, plus respectueux et plus soumis aux médecins, étaient souvent aidés par eux à les franchir. On put bientôt malgré les réglements et les maîtrises confondre, sans trop d’affectation, les maîtres en chirurgie praticiens de robe longue avec les étuvistes et les barbiers. Ce fut la ruine de la chirurgie qui, tenue pour une profession manuelle, tomba dans une dure et humiliante sujétion. L’Université, toujours favorable aux médecins, voyait en eux les maîtres et les arbitres de la chirurgie et le prouvait par un argument sans réplique: La chirurgie ne fait partie d’aucune faculté; elle ne peut donc jouir des droits réservés dans l’Université aux facultés qui en dépendent.

      La Faculté de médecine s’arrogeait le droit d’être représentée aux examens des chirurgiens à l’école de Saint-Côme et, ce qui envenimait fort la querelle, interdisait aux candidats la robe et le bonnet. Ses prétentions allaient plus loin encore; lorsque Lapeyronie, premier chirurgien de Louis XV, obtint pour l’école de chirurgie la création de cinq démonstrateurs rétribués par le roi, il importe, disait-il, de fortifier l’intelligence des élèves et de ne rien omettre pour éclairer leur esprit. La Faculté de médecine, loin d’en demeurer d’accord, s’y opposait ouvertement et avec énergie; elle alléguait dans l’intérêt même des chirurgiens, que: «le mérite ne consiste pas à savoir plusieurs choses, mais à exceller dans une;» elle les rappelait aux sages règlements, aux arrêts même du parlement qui défendaient de rien enseigner aux chirurgiens en dehors de leur profession: «qui chirurgos docent, hirurgica tantum doceant.» Est-il nécessaire en effet pour bien saigner de connaître la nature du sang? Avec une instruction trop étendue et trop élevée les chirurgiens seraient exposés à mépriser leur art et à le délaisser pour des études spéculatives. La chirurgie d’ailleurs est une profession manuelle, et la raison en est évidente: chirurgie tire son origine d’un mot de la langue grecque qui signifie la main, et celui qui ne travaille que de la main ne doit aussi exercer que la main.

      Sans s’arrêter à de tels arguments et malgré les contradictions les plus opiniâtres, le roi autorisa l’Académie de chirurgie à publier ses mémoires, et, ce que la faculté de médecine trouva plus insupportable encore, l’école de Saint-Côme à exiger de ses élèves la maîtrise ès arts, que nous nommons aujourd’hui baccalauréat ès lettres. Depuis longtemps déjà la chirurgie pouvait citer des hommes de grand mérite. Plusieurs chirurgiens avaient siégé à l’Académie des sciences, et leurs confrères en tiraient avantage. On demande, disaient-ils dans leur judicieuse et forte défense, on demande à la Faculté de Paris et à tous les médecins, si les mémoires de MM. Méry, Rohault, Lapeyronie, J. – L. Petit et Morand, imprimés parmi ceux de l’Académie des sciences, ne sont pas en aussi grand nombre que ceux que les médecins ont fournis?

      Les chirurgiens et les médecins, divisés par leur humeur discordante et incompatibles ailleurs par leurs incessantes hostilités, siégeaient en effet ensemble à l’Académie des sciences qui, sans se faire l’arbitre de leurs dissensions ni les amener à une paix sincère, sut toujours les apaiser sinon les unir, en modérant l’aigreur de leurs querelles et leur imposant au dehors, avec le titre de confrère, les bons procédés qui doivent en être la suite.

      Le médecin Hunault était l’auteur

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