La maison d'un artiste, Tome 2. Edmond de Goncourt
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Après les théâtres, les cafés. C'est une mode presque générale à Paris que de prendre une tasse de café, après son dîner, dit Nemeitz, et il parle des deux endroits à la mode, où on va le prendre alors: le café de la veuve Laurent, rue Dauphine, appelé le café des Beaux Esprits et le café de Poincelet à la descente du Pont-Neuf, cafés où l'on ne fume pas, comme dans les cafés de l'étranger: très peu de personnes de condition aimant l'odeur du tabac en France. Au chapitre des cafés succède le chapitre des relations et de la conversation avec les Dames, que notre astucieux Germain recommande et préconise, en ce qu'elle «vous apprend la langue, vous rend galant, vous fait prendre insensiblement un bon pli», tout en faisant la remarque que cette conversation est très dangereuse pour ceux qui sont de complexion amoureuse. Et aussitôt de mettre en garde ses compatriotes contre certaines maisons, qui ont l'air d'être de distinction, mais qui ne sont, dit-il, que de fameux b… où Madame a sur la paille de jeunes g… quelquefois aussi des femmes mariées, toutes prêtes pour de l'argent. Et après le chapitre des relations, le chapitre des promenades à pied et en carrosse, et des promenades à la foire Saint-Laurent, la foire des campagnards et des petites gens, des promenades à la foire Saint-Germain, la foire du grand monde, où il voit la Tourneuse anglaise, une jeune femme tournant comme une toupie, avec six épées nues dans les mains, les pointes tournées contre elle.
Dans son «Séjour de Paris», Nemeitz signale les tragédies latines mêlées de ballets du collège Louis-le-Grand. Je possède un recueil factice de ces représentations de 1737 à 1755. Et voici: le Pouvoir de la Fable, ballet qui sera dansé au collège de Louis-le-Grand et servira d'intermède à la tragédie de Maurice Martyr, pour la distribution des prix fondés par Sa Majesté, le mercredi deuxième jour d'août mil sept cent cinquante, à midi précis. La première entrée figure «les Dangers de la volupté pour la jeunesse». Télémaque est jeté par la tempête dans l'île de Chypre. Les habitants s'empressent de le couronner de roses et de myrte. Leur parure et leur démarche, leurs amusements et leurs maximes respirent un air empoisonné. Télémaque est d'abord saisi d'horreur, mais il s'accoutume insensiblement aux douceurs de ce funeste séjour. Le sage Mentor paraît. Sa présence écarte les plaisirs séducteurs. Il ordonne à Télémaque de fuir promptement ce lieu dangereux, où tous les plaisirs se réunissent pour aveugler la Raison et pour séduire l'Innocence.
Télémaque: M. de Choiseul.
Habitans de l'Isle de Chypre, MM. Duclusel, Massigni, Dupré, Vauzelet, Carvaille, la Martinière, Barrau, Radix, Mercier, Chavannes, Deludre, Chaalons de la Rivière, Dalban, Geoffroi, Bonvoust.
Jeunes gens avec des guirlandes: MM. Hennequin Duplessis, Lebreton, Sainte-Colombe, Grandpré, Lablache, Desmazure, de Ris.
Mentor, M. Palasne.
Danseront ensemble: MM. Carvaille, Radix.
Danseront seuls: MM. Bonvoust, Feuillade.
La seconde entrée représente les «Écueils de l'Ambition pour l'Age Mûr», la troisième les «Tourments de l'Avarice pour la Vieillesse». Il y a trois parties, et un Ballet général, où doivent danser seuls MM. Desplaces, Vestris, de Visé, et le programme du spectacle se termine par cette phrase: Fermera le théâtre par l'éloge du Roi.
«La Relation de l'ambassade de Méhémet-Effendi à la cour de France en 1721» et publiée en 1757 contient quelques détails sur le Paris de la Régence.
Des brochures et des livres connus, je n'indiquerai que les titres.
«Paris vu tel qu'il est, 1781»; «le Petit Tableau de Paris, 1783»; le Tableau de Paris, par Mercier, 1783-1788; «Paris en miniature d'après les dessins d'un nouvel Argus, 1784»; les Numéros, 1784; l'Observateur de Paris, 1785, par M. Mercier, auteur du Tableau de Paris; Diogène a Paris, 1787; le Tableau nouveau de Paris, ou Variétés amusantes, ouvrage enrichi de notes historiques et critiques et mis au jour par Nougaret, 1786; Lettres de d'E…mée… de B…on La…c...be (Mlle Boudon), ou Journal d'un voyage à Paris en 1789, Troyes, 1791», tiré à petit nombre; «Un Provincial a Paris, pendant une partie de l'année 1789. A Strasbourg. De l'imprimerie de la Société typographique»; «le Nouveau Tableau de Paris, ou la capitale de France dans son vrai point de vue, ouvrage destiné à servir de supplément au Tableau de Paris. A Paris, de l'imprimerie de la Vérité, 1790»; le Triomphe de la Capitale, par l'auteur du Fanal, qui fête en ces termes la Révolution: «Adieu les barbiers, perruquiers, étuvistes; adieu les chapeliers; adieu les coiffeurs, coiffeuses et les marchandes de modes par contre-coup; adieu toutes les fabriques de gazes et de linons, adieu toutes les manufactures de drap et de soie et tous les hommes qu'elles occupent, adieu les horlogers, les plumassiers, les éventaillistes, les fondeurs, les doreurs, les tapissiers, les miroitiers, les orfèvres, les joailliers, les peintres, les sculpteurs, les ébénistes, les papetiers, les enlumineurs, les tireurs d'or et les graveurs… et les carrossiers, les selliers, les bourreliers, les charrons, les vernisseurs, les serruriers; les maréchaux fermeront boutique et les autres marchands ne vendront rien, et ils feront banqueroute, et on verra de tous côtés: Chambres garnies à louer, maison à louer ou à vendre; et les propriétaires seront ruinés, et les architectes, les maîtres maçons, les tailleurs de pierres, les manœuvres, les goujats, les charpentiers, les menuisiers, les carriers mettront leurs dents au croc, et l'herbe croîtra dans les rues. L'auteur d'un pain mixtionné se rendra fermier de tout le quartier Saint-Honoré jusqu'à la plaine des Sablons pour exciter la culture des pommes de terre. Le quartier Saint-Germain produira de la luzerne; celui Saint-Jacques et de Sainte-Geneviève des vignes; le Marais des fèves et des haricots; Saint-Antoine, des melons; Saint-Martin des choux de Hollande et de Milan; Montmartre, des chardons.»
Et sur la Révolution