Le Grand Ski-Lift. Anton Soliman

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Le Grand Ski-Lift - Anton Soliman

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pas les autorisations pour se connecter au Grand Ski-lift ? Ou que Valle Chiara soit un village que le tourisme pouvait lancer ? D’après ce qu’il avait pu comprendre, le directeur aurait quoi qu’il en soit fait fonctionner le téléphérique pour l’emmener à ses risques et périls sur les plateaux par une connexion expérimentale.

      Il sentait maintenant qu’il avait perdu son enthousiasme dès son arrivée sur l’esplanade. Et pourtant, il était arrivé plein d’énergie, et il lui avait même semblé un instant être entré dans une nouvelle existence, loin de la grisaille qu’il avait laissé dans la Ville.

      Il faisait froid, on apercevait de nouveaux nuages chargés de pluie à l’horizon ; mieux valait s’abriter dans le bar de la place que Clara, la fille du patron, lui avait indiqué.

      Il entra dans le bar, peinant à ouvrir une petite porte vitrée à cause du bois qui frottait sur le sol ; à l’intérieur, quelques clients étaient assis autour de trois tables. On jouait aux cartes à deux d’entre elles, et à la une troisième on écoutait un vieil homme qui parlait en patois. Ils portaient tous un chapeau, bien que le local soit chauffé par un énorme poêle de terre cuite placé dans un coin noirci par la fumée.

      Le garçon lui indiqua une table libre, en souriant. En savourant un verre de vin chaud, Oskar pensa que cette connexion expérimentale ne pouvait pas être une solution envisageable pour ses vacances de Noël. Il était évident que son ami lui avait donné de la situation une image qui, sans être réellement fausse, était simplifiée. Il y avait cependant des difficultés qu’il n’avait pas prises en considération ; ce n’était pas une excursion organisée comme celles que proposent les agences de tourisme. Il faut un tempérament affirmé pour ce genre de vacances, alors que lui se retrouvait là dans un état d’épuisement qui était la conséquence des années vécues dans l’inconsistance.

      Son séjour à Valle Chiara était devenu paradoxal. L’information que lui avait initialement donnée son ami était peut-être incohérente, pour ce que peut valoir un conseil sur une destination touristique hivernale, du moins. Du reste, il n’aurait pas pu prétendre à des images précises sur les paysages qu’il allait trouver. C’étaient plutôt ses propres attentes qui lui semblaient maintenant déplacées. Qu’attendait-il de ces vacances ? Qu’est-ce qui avait pu susciter son enthousiasme initial ? Il ne s’attendait évidemment pas à arriver dans un village touristique à la mode, et encore moins à trouver un lieu organisé. Il avait probablement imaginé quelque chose de comparable à Valle Chiara, mais une fois sur place, tout lui avait semblé confus…

       Sur la ligne du Présent, les couleurs d’origine de la vie apparaissent dans les intervalles, ces zones intermédiaires entre un événement et l’autre.

       La veille, sur l’esplanade, il avait pris peur, il avait ressenti une grande solitude, sans aucune alternative. D’un certain côté, il n’avait considéré que l’aspect extérieur, une sorte de pellicule sur laquelle appliquer les images traditionnelles de Noël. Il avait en revanche négligé son besoin d’être Reconnu et Accueilli par ses semblables. Après les rites d’usage, il aurait pu déposer sa propre Structure, comme un lourd sac à dos, pour pouvoir se faire absorber dans le cadre. C’est cela, il avait imaginé une danse de l’Accueil dans un village de montagne où il aurait été Attendu.

      Il rentrerait en ville le lendemain, il n’avait plus envie, maintenant, de passer Noël dans cette vallée perdue. Ses amis étaient en Ville ; le soir de Noël, chez Joseph, il préparerait une dinde farcie. Il avait des choses à faire, il pouvait passer quelques jours à mettre de l’ordre dans ses affaires avant de reprendre le travail. Il emmènerait Elisa au théâtre, cela faisait un bon moment qu’ils n’y allaient pas.

      Un des clients se disputa avec son compagnon, mais après quelques explications, il se remit à jouer en ronchonnant. Le garçon parlait avec un client. Une jeune fille entra par une porte latérale, portant un plateau couvert de verres propres : bien que vêtue légèrement, elle avait le visage échauffé ; elle rangea les verres sur les étagères et ressortit presque en courant par la porte latérale. Quelques minutes après, elle rentra à nouveau dans la salle en portant sur ses bras des bûches destinées au poêle.

      Oskar remarqua qu’elle faisait son travail avec concentration, les gestes sûrs, sans jamais se laisser distraire par l’atmosphère environnante. Cette particularité suscita en lui jalousie et admiration : il aurait aimé exécuter ces tâches.

      Par la fenêtre, on voyait une neige mouillée qui, en tombant, fondait dans la boue de la rue.

      â€” Je savais que je te trouverais ici !

      Oskar s’étonna de connaître quelqu’un dans ce village étranger. Dans un élan d’affection, il se leva et pris la jeune femme dans ses bras.

      â€” Je suis content de te voir ! Une mélancolie m’avait pris, à rester là, tu sais.

      â€” Je suis désolée.

      â€” Je ne sais pas, mon malaise vient peut-être de ce que j’avais des attentes différentes. Cette histoire de connexion avec le Grand Ski-lift m’a fait venir un tas de questions en tête.

      â€” Je comprends ça ! s’exclama Clara, qui, se rappelant la rencontre du matin, lui demanda :

      â€” Que t’a dit le directeur ? C’est possible de monter aux plateaux avec la nouvelle installation ?

      â€” C’est là toute la question. Le directeur m’a assuré que tout peut fonctionner. Au sens strict, l’installation a été construite pour développer le tourisme, même s’il y a des doutes sur sa légalité. Mais d’après lui, ce n’est pas un problème pour un usager.

      â€” Ne t’inquiète pas, cette affaire n’est pas si importante que ça. Tu passeras quand même tes vacances avec nous. Je n’ai pas grand-chose à faire à cette période, les chasseurs ne viendront pas de tout l’hiver, au moins. Je t’accompagnerai faire de belles promenades, et, même s’il n’y a pas de pistes de ski, on passera un beau Noël.

      Ces mots lui faisaient plaisir, et il regarda Clara avec tendresse. Cette femme lui plaisait.

      Quand ils rentrèrent à l’hôtel pour déjeuner, elle l’aida à défaire ses valises dans la chambre des grands-parents, où il avait déjà dormi la nuit passée. Elle alluma du feu dans la petite cheminée, qui n’était pas utilisée depuis des années : la pièce se remplit de fumée, et tous deux essayèrent alors de nettoyer le conduit en s’aidant du manche d’un balais.

      Dans la cuisine de l’hôtel, les propriétaires avaient déjà fini de manger.

      â€” Bonjour Monsieur Zerbi ! dit l’homme en souriant. Ma femme et moi préférons manger tôt, nous avons des horaires à respecter. Mais ne vous inquiétez pas, ma fille vous tiendra

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