Modos y maneras de hacer familia. Nancy Konvalinka
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Le but de cette communication est d’analyser les causes et les conséquences de cette mutation importante. Jeunesse et maternité ne sont plus désormais associés et ce retard à l’âge à la parentalité (le fait de devenir parent) redessine de nouvelles relations entre parents et enfants et plus généralement au sein de la famille. Il convient au préalable de distinguer deux situations, selon qu’il s’agit de familles qui se «forment» tardivement (mères âgées de 30 ans et plus), ou bien de familles qui se «reforment» avec des mères encore plus âgées, mais pas toujours, et des pères davantage encore. Ces dernières configurations d’âge élevé ne doivent d’ailleurs pas être confondues avec les âges élevés observés dans les familles dites très nombreuses (six enfants ou plus). Etre père à 60 ans ne répond pas à la même logique, si l’on est dans le cadre d’une seconde union ou d’une union intacte et très féconde.
UN CHOIX MÛREMENT RÉFLÉCHI DANS LE CADRE D’UNE CONJUGALITÉ FLOUE
La formation des couples a radicalement changé depuis les années 1970. Les jeunes gens d’aujourd’hui forment des couples dès leur jeune âge, parmi toutes les classes sociales: il s’agit du copain, de la copine rencontrée sur les bancs de la fac, à l’usine ou en boite de nuit, dans une soirée entre amis. Très vite s’instaurent des relations sexuelles, puis, la relation peut se stabiliser, alors que le couple conserve des liens étroits avec sa famille d’origine: on habite la même chambre, le même studio, mais on rapporte son linge à laver chez ses parents. De cette mise en couple, autorisée on le comprend bien par la contraception (chimique pour les filles, ou préservatif masculin), le projet et le désir d’enfant est absent. Il s’agit d’abord d’achever des études qui sont de plus en plus longues, de trouver un emploi stable. On ne s’étonnera pas de trouver des âges à la première naissance encore relativement bas parmi les personnes les moins diplômées. Pour les autres, et notamment les femmes, il s’agit d’engager d’abord sa carrière et de la stabiliser. Ce qui conduit à la trentaine dans l’état actuel du marché du travail. Les socio-démographes constatent que ce sont les femmes cadres et appartenant aux professions intermédiaires qui sont les mères les plus tardives (Bessin et al., 2005).
Le couple doit maintenant prendre le temps d’évaluer sa relation amoureuse et affective, pour éprouver si chacun et chacune y trouvent son compte. Ensuite peut-être, quelques mois ou quelques années plus tard, se formera le désir d’un enfant signe de stabilisation affective et professionnelle du couple, ou pensé comme stabilisateur de la relation. Un PACS sera peut-être signé, un mariage suivra peut-être, ou pas, ou le couple choisira de demeurer en union libre. Il existe donc un long temps de latence entre la mise en couple et la formation du projet d’enfant. Avant l’enfant, il faut d’abord «vivre sa vie», profiter de son statut de «jeune»; il faut «construire» la relation amoureuse, s’assurer que celle-ci est suffisamment gratifiante et qu’en même temps, l’autre sera bien le père ou la mère dont on rêve pour son enfant (Le Voyer, 1999). Tout ce qui était acquis par le contrat du mariage, qui invite à ne plus se poser de question, est, dans la relation de couple informel, examiné, soumis à des choix, sources d’hésitations et d’incertitudes. Au schéma antérieur, quasi mécanique: mariage, naissance, succède une temporalité aux limites floues. L’augmentation de l’âge à la maternité s’observe surtout parmi les jeunes femmes cadres très engagées professionnellement et qui se rendent compte, selon la formule, que «leur horloge biologique tourne». Vient un moment où l’on se sent «prêt»; il faut alors choisir un compagnon pour une relation qui sera peut-être éphémère ou durable.
Avant la contraception chimique, les couples essayaient tant bien que mal de limiter les naissances. Depuis, c’est de tout autre manière que prend forme le désir d’enfant, dans un geste volontariste: la protection contraceptive est arrêtée, le couple se décide à tenter de donner la vie. Le désir d’enfant s’installe, d’autant plus fort que, passé l’âge de 30 ans, la fécondabilité des femmes diminue. Une fois l’enfant désiré, le couple le souhaite tout de suite, sans attendre, d’où la multiplication des consultations de gynécologie pour stérilité et les dérives parfois observées du «droit à l’enfant».
Le couple a examiné les paramètres socio-économiques liés à la naissance de l’enfant, qui sont évidemment sans rapport avec les calculs économiques d’autrefois. Le logement doit permettre d’accueillir l’enfant comme il le faut en fonction des exigences contemporaines. Il lui faut une chambre pour lui seul, et tout le matériel de puériculture qui va avec. Le couple s’emploie à «créer les conditions» de l’accueil avant de se mettre à la fabrication du bébé. Evidemment, la dimension économique n’est pas la seule à intervenir dans cette décision majeure. Ainsi demeure une certaine ambivalence: l’usage de la contraception est devenu si naturel, comme allant de soi, que les couples n’ont pas toujours le sentiment d’adopter une stratégie. La réalité de l’enfant programmé, planifié va à l’encontre de la perception qu’ils se font de ce que doit être la reproduction, acte naturel et désintéressé (Régnier-Loilier, 2007).
Selon les psychanalystes, la décision d’enfanter est fomentée par l’inconscient, le désir d’enfant échappant par conséquent largement aux souhaits rationnels des géniteurs. Ainsi le subconscient explique les oublis de la contraception, les conceptions à une date telle que la naissance aura lieu à un moment symbolique dans l’histoire de la famille, ou pour «remplir un vide» après le décès d’un de ses membres (Le Voyer, 1999: 110). Le désir d’enfant répondrait donc aussi à des aspirations non rationnelles, même si les considérations matérielles comptent: s’inscrire dans la normalité et conformité du groupe, porter une aspiration à la filiation, qui ne se rabat pas nécessairement sur la continuation de la lignée.
Cet enfant qu’on fabrique lorsque c’est le bon moment, on le fait sur la base d’un nouveau contrat. Le nouveau-né aide l’autre, le géniteur, à accéder au stade d’adulte. Porteur des désirs de ses parents, ce que Serge Tisseron (1994) nomme le «contrat narcissique», l’enfant doit réaliser les aspirations de ses parents en échange de leurs soins et de leur amour.
DES PARENTS PLUS ÂGÉS DANS UNE SOCIÉTÉ «BÉBÉPHILE»
Contre Simone de Beauvoir et les mouvements féministes des années 1970, il est aujourd’hui entendu que la maternité est une des composantes centrale de l’identité féminine. Dans les sociétés rurales d’autrefois, la stérilité-toujours attribuée aux femmes-apparaissait comme un grand malheur. Aujourd’hui la procréation est une des formes de l’accomplissement de soi. Sur une femme qui n’a pas d’enfants, on s’apitoie, et on s’étonne encore plus si elle affirme (et ose le faire) que c’est un choix mûrement réfléchi. Elle en a d’autant plus de mérite que la société est «bébéphile», tout au moins dans ses discours et ses représentations. Contrairement aux Etats-Unis, où les couples peuvent afficher publiquement leur choix de rester des DINKS (Double income, no kids-Double revenu, pas d’enfant), le modèle français comporte une incitation à «faire un enfant»: «la femme qui veut mais ne peut pas procréer se considère comme mise au ban de la société, qu’elle se place elle-même en retrait du groupe ou que celui-ci l’exclue de ses rangs. Les femmes elles-mêmes, leur famille et leur groupe d’appartenance vivent la stérilité comme une malédiction» (Flis-Trèves, 1990: 27). Etre enceinte est à la mode.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le changement radical intervenu dans la garde-robe pour future maman.