Modos y maneras de hacer familia. Nancy Konvalinka
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Modos y maneras de hacer familia - Nancy Konvalinka страница 8
DES PARENTS PLUS ÂGÉS FACE AUX NOUVELLES NORMES D’ÉLEVAGE ET D’ÉDUCATION
Sur les épaules de cet enfant qui vient tard, si désiré, si protégé, on fait peser de lourdes charges, celles notamment de fonder le couple et la famille en l’inscrivant dans la lignée familiale. Alors qu’autrefois les enfants étaient mis au monde pour travailler aux côtés de leurs parents et s’occuper d’eux dans leur vieillesse, aujourd’hui on leur demande de les maintenir dans l’état de jeunesse, de leur permettre de rester «dans le coup» des modes et des cultures. De nouveaux rapports parents-enfants s’instaurent.
En même temps que croissait l’âge à la maternité/paternité, les principes d’élevage et d’éducation sont devenus plus normés, «scientifiquement» normés. Ces nouveaux principes pèsent sur toutes les mères et pères, mais ils sont suivis de plus près par les parents plus âgés, soucieux toujours de bien faire. Plus âgées, plus mûres, les mères ont pensé pouvoir appliquer l’efficacité dont elles font preuve en milieu professionnel à l’élevage de leurs enfants, mais cela ne fonctionne pas toujours aussi bien.
Pendant les premiers mois de sa vie, les nouvelles normes spécifient que les parents se doivent à l’enfant presque exclusivement. Les parents primipares ont tant idéalisé l’enfant avant sa naissance que le choc est souvent rude face, par exemple, aux pleurs nocturnes. Selon la nouvelle vulgate de la puériculture, la mère doit le nourrir au sein. Sur-protectives, parfois déboussolées et refusant à tort ou à raison les conseils des mères et grands-mères, les voici soumises à de nouvelles injonctions. Les psychanalystes sont de plus en plus convoqués pour résoudre les difficultés de ces jeunes-vieilles mères: ils font remarquer que ce n’est pas en portant sur soi l’enfant, en allaitant très tard que l’on peut aider l’enfant à grandir, c’est-à-dire à lui apprendre à se séparer d’elle. Travail de l’enfant, mais aussi travail de la mère qui doit renoncer à ne voir en lui qu’une projection narcissique. Autant que les enfants, ce sont les parents qui doivent apprendre à naître et se développer. En même temps, la jeune-vieille mère se trouve tiraillée entre ces injonctions et les conditions de son retour à l’emploi, avec tous les problèmes liés au mode de garde de l’enfant.
A une maternité relativement insouciante, celle des années 1960, celles de mères ayant à peine dépassé l’âge de 20 ans, non encore trop normée par le corps des médecins ou des psy, se substitue une maternité anxieuse, anxiogène, avide de repères, dans une société qui a tendance à de plus en plus étalonner le développement de l’enfant. Car autant que la formation des couples a pu changer, autant le rapport à l’enfant s’est bouleversé au cours des trente dernières années (Segalen, 2010).
Etape après étape, les parents surveilleront les «progrès» de leur enfant, dans le domaine de l’éveil effectif, moteur et cérébral. Car il existe maintenant un baromètre de ses performances. La régression de l’emploi du terme «nourrisson», qui renvoie au biologique au profit de celui de «bébé», est un signe langagier fort qui révèle déjà un jeune être dont on doit surveiller le développement psychique et intellectuel. «Ce qui n’était qu’une période indifférenciée de maturation devient un cursus scientifiquement défini: il y a un âge pour la marche et un âge du langage, un âge du dessin etc. Ceci introduit une rupture profonde dans le rapport à l’enfance. La pratique traditionnelle des performances enfantines s’accomplissait dans un contexte où la norme tenait sa seule force de sa généralité, alors que s’impose maintenant une norme légitime, “scientifiquement” fondée» (Chamboredon et Prévôt, 1973: 313-314). Les conseils de la puériculture, de la psychologie et de la psychanalyse infantiles se sont maintenant vulgarisés dans tout le corps social à travers la diffusion des magazines spécialisés.
Etre parent devient de plus en plus difficile. L’enfant est désormais pensé comme un petit individu autonome. Il n’est plus un être sur lequel imprimer les traditions familiales et auquel imposer l’autorité du père, mais un adulte en devenir dont les parents ont pour rôle de faire advenir ses qualités profondes. Surveiller son évolution, sa croissance, ses acquisitions, les stimuler aussi, telle est la fonction nouvelle des éducateurs de l’enfant, essentiellement la mère. Et c’est une tâche difficile, dans une société de consommation qui fait de l’enfant une cible de choix. Un exemple parmi d’autres: combien de mères féministes n’ont-elles pas capitulé devant le désir de la petite fille d’avoir une poupée Barbie? A cet enfant si désiré, si chouchouté, on demande, dès un âge tendre, son avis sur tout: se vêtir, ce qu’il lui plaît de manger, s’il consent à se coucher. Lorsqu’ils s’adressent à eux, les parents achèvent souvent leur demande par un «c’est d’accord?» interrogatif. A cette aune, l’enfant devient souvent un petit tyran, ce mode d’élevage conduisant souvent à des difficultés relationnelles au sein de la famille. Ce n’est plus l’enfant-roi, mais l’enfant, problème incontrôlable.
Avec l’enfant venu tardivement dans le couple, se fonde un contrat générationnel neuf. Cet enfant désiré, auquel on ne demande plus de seconder ses parents aux champs ou à l’usine, leur doit évidemment un contre-don: l’apport de gratifications affectives et sociales. C’est aussi lui qui, dans les familles unies, est le fabricant et le moteur du couple: il est en droit d’exiger beaucoup en retour.
PARENTALITÉS TARDIVES
Avoir un enfant à 40 ans et au-delà pour les mères, et 45 ans et au-delà pour les pères, ce que les démographes nomment les paternités et maternités tardives, n’est pas un phénomène nouveau. Dans les contextes démographiques anciens, tel était le cas. En Bretagne, par exemple, dans le pays bigouden caractérisé par un âge exceptionnellement bas au mariage, jusqu’aux débuts du XXe siècle, les fratries de huit ou dix enfants étaient chose courante avec des écarts d’âge entre le premier et le dernier de près de 20 ans, de sorte que la fille et la mère étaient parfois enceintes ensemble. On nommait le dernier «vidohicq», petit cochon, et il était élevé par les aînés. Sans aller aussi loin, dans la famille de ma mère, cinq garçons et une fille, il y avait 18 années d’écart entre l’aîné et elle, la petite dernière. De telles situations sont courantes encore aujourd’hui dans les familles immigrées qui continuent à avoir des comportements de grande fécondité (Bessin et Levilain, 2005).
Le phénomène réellement nouveau concerne les personnes qui commencent ou recommencent une carrière procréative sur le tard. Même si elles sont statistiquement peu importantes, ces naissances tardives interpellent la façon de penser la famille car elles contribuent à transformer les relations conjugales, les relations de germanité et de filiation. Selon Gilles Pison, le nombre de naissances issues de mères de 40 ans et plus ne représente que 4 % du total des naissances françaises. C’est peu, mais c’est une image qui s’est inscrite désormais dans l’imaginaire, notamment avec la mise en avant des grossesses tardives et même très tardives de vedettes