Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick

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Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger - Wolfgang Bendick Les Néo-Ruraux

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à la pierre (une pierre oblongue, d’un grain fin, dans notre vallée souvent en ardoise), portée dans le « coupet », une corne de vache, autour du ventre, il fallait taper la lame. On se mettait à l’ombre et plantait l’enclumette dans la terre. Dans la région c’était une pièce oblongue en fer forgé, équipée dans son tiers inférieur d’une rosace métallique, afin qu’elle ne s’enfonce pas dans le sol, dont le haut formait une étroite enclume, légèrement arrondie. On s’asseyait au sol, les jambes étirées et écartées, afin que l’enclume se trouve devant soi. Puis on y posait la lame de la faux, si possible démontée du manche, la partie courbée vers le haut, le tranchant vers soi. A l’aide des cuisses on pouvait stabiliser la lame. Moyennant un marteau légèrement convexe, on frappait la tôle fine du tranchant afin de l’aplatir et de la rendre coupante. Au moins en trois passages, d’un bout à l’autre. Au premier il ne se passe pas grand-chose. Mais ensuite on s’aperçoit que la lame s’affine, plus fine qu’une lame de rasoir, et s’élargit. A chaque passage, il faut procéder doucement et éviter d’aplatir trop à la fois, car sinon la lame peut se fissurer ou s’onduler. Mieux vaut s’exercer d’abord sur une vieille faux ou une faux cassée, car une bonne faux coûte très cher ! Quand le tranchant se plie sous la pression d’un ongle, le martelage a été parfait ! Un petit passage avec la pierre à aiguiser et on continue ! Mais pour faucher à la faux il y a la même règle que pour le martelage ou l’affûtage : c’est en faisant qu’on apprend ! A partir du moment où l’on arrive à se détendre on fait du bon travail ! Pas de gros efforts, pas de précipitation ! Que de la patience…

       Moi-même je préférais taper la faux à la maison, assis sur une souche aménagée spécialement pour cette tâche. C’était plus confortable et l’enclumette ne pouvait pas s’enfoncer dans le sol. Au début on est crispé. Mais avec le temps la main devient plus légère et on entend au son de la frappe si la lame est bien positionnée et si on tape bien. Le martelage de la pointe de la faux demande plus d’efforts que le reste.

       Dans d’autres régions l’enclumette est large et le marteau étroit. Dans ce cas il faut poser la faux avec la courbe vers le bas et le tranchant vers soi. Je possédais les deux systèmes, mais préférais le premier, celui avec l’enclumette étroite.

       Au remontage de la faux il faut faire en sorte que sa pointe B se trouve environ 3 cm plus bas que le « talon » C. Pour le réglage on pose la faux par terre. On place un objet par terre au « talon », l’endroit le plus large de la lame. Puis on pose le pied sur la poignée au bout du manche afin de faire un pivot et on bouge la faux vers la droite, afin que sa pointe arrive à l’objet placé auparavant. Ensuite il faut régler la pointe de sorte qu’elle arrive 3 à 4 cm plus bas que cet objet, puis procéder au serrage de la bride.

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       Selon la taille du faucheur il faut régler l’angle de la lame par rapport au manche. Soit en mettant des cales, soit en aplatissant le bout du manche avec une râpe. Le fauchage est plus facile le matin quand l’herbe est mouillée par la rosée ! Il fait aussi plus frais. Sur les talus, il faut avancer parallèlement à la pente et faucher vers le bas. Les cailloux et les taupinières sont très mauvais pour la faux. Quand la faux taille mal et qu’il ne reste plus grand-chose à couper, on peut « booster » la faux en urinant dans le « coupet », la corne qui contient la pierre.

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      A cause de nos bêtes nous devions être à la ferme matin et soir. En dehors de ces périodes, nous étions, surtout moi, pendant les trois semaines à venir chaque jour au village pour donner des coups de main. Car ce n’était pas seulement Elie qui avait « pris possession » de moi, mais aussi d’autres paysans demandaient mon aide, car soi-disant aucune motofaucheuse au village n’était en état de marche. Souvent on m’invitait pour manger et on me payait pour le travail, malgré mon refus. Bien sûr que nous avions besoin d’argent, car on en dépensait plus qu’on en gagnait !

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       Nous apprenions que dans la haute vallée, normalement on ne fait qu’une coupe. On n’en faisait une deuxième que dans les fonds de vallée. En haut on faisait paître les animaux dans l’herbe poussant après le foin, le « regain », quand ceux-ci revenaient de la montagne. Et nous qui avions cru qu’ici on pouvait faire quatre coupes comme en Bavière ! Je me mis à calculer : en Bavière on comptait deux vaches par hectare, en faisant quatre coupes. Ici on n’en faisait qu’une. Ça signifiait qu’il nous fallait quatre hectares pour nourrir deux vaches ou deux hectares par bête ! Ayant environ vingt hectares de surface, cela nous permettait, en théorie, de garder dix vaches. Mais lentement des doutes m’envahissaient ! C’était probablement le cas plus bas, où l’herbe était épaisse. Mais pas chez nous, où on pouvait compter les brins ! Je demandai à Esther, qui était originaire d’en dessous de chez nous, ce qu’elle en pensait. Elle réfléchit un moment, puis elle demanda : « Voulez-vous vraiment le savoir ? » J’acquiesçai. « Deux, trois au maximum ! », fut sa réponse.

      *

      Un des maquignons nous proposa des génisses noires et blanches. Nous crûmes que c’étaient des Holstein, comme je les connaissais dans le nord de l’Allemagne. Nous attendîmes qu’elles grandissent, mais elles grossissaient plutôt. Plus tard quelqu’un nous apprit qu’elles étaient des « Bretonnes », une race de la Bretagne. Sur l’autre versant de notre montagne, deux frères s’étaient installés. Ils avaient quelques vaches de cette race et avaient commencé à faire du fromage. Comparé aux autres vaches, les leurs étaient des naines. Nous voulions leur rendre visite. Nous montâmes la route forestière le plus haut possible. Quand ça commença à être trop raide nous abandonnâmes le combi et continuâmes à pied en direction du Col de la Croix. Nous avions le souffle coupé ! Devant nous s’étalait un panorama montagnard couvrant tout l’horizon ! Nous nous retournâmes pour regarder d’où nous étions venus. Là aussi, que des montagnes ! Étant en altitude, nous pouvions regarder par-dessus la chaîne de montagnes qui limitait notre vallée au nord, loin vers la plaine brumeuse, où quelque part devait se trouver Toulouse. Nous grimpâmes sur une petite colline et nous nous laissâmes tomber dans un creux plein de bruyère. Puis nous regardâmes un bon moment les montagnes, heureux d’avoir un si bel endroit pas si loin de la ferme ! Les enfants venaient de découvrir quelques schistes contenant de la pyrite et je dus les sortir de la roche. A la maison ils rejoindraient leur collection de pierres remarquables.

      Lentement nous continuâmes notre chemin. Nos yeux étaient plutôt rivés sur les montagnes majestueuses, alors que les enfants scrutaient les bordures du chemin en quête de trésors. Au début nous suivions un chemin creux qui plus bas passait par-dessus des rochers en forme d’escaliers naturels vers la vallée. Le premier être humain que nous croisâmes était Clément, un Français chevelu qui vivait là-haut dans la solitude montagnarde. Il était en train de fumer une clope qui sentait fortement l’herbe. Non loin de là broutaient, au son de leurs cloches, quelques chevaux Fjord, une race plutôt exotique ici dans les Pyrénées, avec leur robe beige clair et la queue et la crinière tombant d’un côté poivre-et-sel. Il nous raconta qu’il faisait des transports de matériaux avec ses animaux. Quand l’hélicoptère ne lui piquait pas le boulot. Il nous expliqua le chemin vers les frères fromagers.

      Nous descendîmes lentement le chemin. Apparemment dans le temps on y avait débardé du bois, ce qui avait si profondément creusé le chemin. Mais l’écoulement des eaux avait aussi participé aux dégâts. Nos yeux étaient en permanence attirés par les montagnes. Dans leurs crevasses se trouvait encore un peu de neige sale, sans doute à

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