Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick

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Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger - Wolfgang Bendick Les Néo-Ruraux

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éparse avant de rejoindre les sommets rocheux et toucher la ligne céleste bleu clair.

      Des rapaces aux envergures jamais vues tournaient sans bouger les ailes dans la profondeur d’un ciel sans nuages. Nous les prîmes pour des aigles. Mais quelqu’un nous expliqua que c’étaient des vautours. Nous aperçûmes un tuyau noir en bordure du chemin. Clément nous avait dit qu’il nous amènerait chez les frères. Nous le suivîmes et peu après nous nous trouvâmes devant une longue grange bâtie comme tous les édifices en pierres sèches, sans ajout de mortier mais avec de la terre à la place, au toit en ardoise. Une moitié avait été transformée en habitation, l’autre servait d’étable. Dans le pré devant la grange se trouvaient trois petites vaches noires et blanches aux pis énormes. Non loin de là, dans un petit pré entouré de haies de noisetier, deux jeunes gars étaient en train de retourner le foin. Un parfum de tisane nous enveloppait. Ils posèrent leurs fourches contre le mur et nous saluèrent. En cueillant quelques brins de serpolet, un genre de marjolaine sauvage, ils nous invitèrent à boire une tisane dans leur cuisine-salon. Là, dans la pénombre fraîche, ils posèrent une casserole sur le réchaud à gaz. Ils venaient de Paris, ayant vécu un moment en Bretagne, avant de s’installer en Ariège. C’est de là qu’ils connaissaient cette race de vache : petite, rude, idéale pour la montagne ! « Mais l’altitude, la terre maigre ? », remarquai-je. « Tout comme vous, on vient d’ailleurs et nous nous sommes adaptés. Les animaux en sont capables aussi », répondirent-ils. « Vous ne pensez pas que par rapport aux autres vaches elles font moins de lait ? » « Nous, en tout cas, nous en sommes contents. Mais nous ne savons pas combien elles produisent exactement, car nous laissons téter leurs deux veaux et nous transformons le lait restant en fromage. Vous voulez le goûter ? » D’un appentis minuscule, en partie enterré dans la colline derrière la maison, ils sortirent un petit fromage rond et le coupèrent en deux. Il nous rappelait le fromage que nous avions fabriqué en Allemagne. Pas parfait, mais bon quand-même ! Bien sûr, pas comparable aux fromages qu’on fabriquait dans les Alpes ! « C’est un fromage lactique. Nous sommes encore en train de l’améliorer. Quand parfois il est moins bon, on cuisine avec. Rien ne se perd ! » Nous étions d’accord avec eux.

      Ils nous racontèrent que pas loin d’ici habitait Daniel, un autre « Baba Cool » qui avait des chevaux « Castillonnais » avec lesquels il faisait du portage. Après cette dégustation ils repartirent faire leur foin, pendant que nous reprenions le chemin du retour, car nos vaches nous attendaient pour la traite. En espérant qu’elles soient encore là !

      *

      Les gendarmes semblaient nous porter dans leur cœur, car ils nous avaient encore rendu visite. Étant dans le coin, ils avaient voulu en profiter… Bien sûr, nous n’avions pas la carte de séjour qu’ils réclamaient. Bien sûr qu’ils le savaient ! Nous l’avions demandée à la préfecture de Foix. Mais l’administration travaillait lentement aussi en France ! Elle avait besoin de temps. Elle vivait du retard ! Le retard lui donnait sa raison d’être. Cela faisait plus de trois mois que nous étions ici. Entre-temps nous étions allés en Espagne, avions dû sortir et rentrer sur le territoire. Comment s’imaginaient-ils que nous ferions ? Si ça continuait comme ça, nous allions monter un troupeau itinérant et franchir la frontière tous les trois mois !

      Nous avions aussi reçu récemment une convocation pour un entretien de la DDA, la Direction Départementale de l’Agriculture. La MSA, la Mutualité Sociale Agricole, la sécurité sociale des paysans, avait aussi des nouvelles nous concernant. Je m’y rendis seul, pourquoi traîner toute la famille à travers les institutions ? Et quelqu’un devait prendre soin des animaux !

      D’abord je me rendis à la préfecture. Un concierge, qui gardait les lieux, m’ouvrit la barrière mobile. Car, contrairement aux agriculteurs l’administration commençait à travailler tard, j’étais en avance et dus attendre. Grâce à ça je fus le premier. Heureusement qu’on n’était pas lundi, l’accueil fut amical. On me remit un titre de séjour provisoire pour six mois. D’ici là le définitif devrait être établi.

       Par contre les nouvelles de la MSA ressemblaient à une douche froide. On me fit savoir qu’on ne pouvait pas être reconnus comme agriculteurs, car ce n’était pas la surface de la ferme qui comptait pour être assujetti à la MSA, mais le revenu cadastral. Le nôtre était de 95 francs, et il en fallait au moins 120 ! Alors il faudrait louer des terres ou en acheter ou chercher du travail pour être assuré auprès d’un autre organisme. En clair, nous n’étions toujours pas assurés et n’avions pas droit aux allocations familiales !

       Il n’était pas encore midi, j’avais donc assez de temps pour passer à la Chambre d’Agriculture qui n’était pas loin. A vrai dire, je n’attendais plus rien. Après avoir atterri deux fois dans un mauvais bureau, on m’amena enfin au bon. Dans ce bureau il y avait quelques jeunes conseillers qui, tout en buvant du café, se racontaient des blagues. On m’en offrit un et me demanda s’il y avait un problème. Je sortis la correspondance de la MSA de mon classeur, les actes de propriété et expliquai la situation. Dans une armoire ils stockaient des microfilms avec les relevés du cadastre et les informations concernant les anciens propriétaires. Ils examinèrent tout. Et ils découvrirent que les données de la caisse n’avaient pas été mises à jour avec le cadastre depuis 10 ans ! Peut-être parce que notre ferme avait été déclarée comme friche, et les terres déclassées afin que le propriétaire puisse économiser des charges… D’après les dernières données du cadastre, notre ferme avait un revenu cadastral de 124 francs, alors plus que le minimum ! Ils m’assurèrent qu’ils allaient s’occuper du problème. Dans peu de temps tout devrait être arrangé ! Il était aussi possible « d’arranger » le revenu cadastral en ajoutant des « cultures spéciales » comme des ruches ou une « exploitation forestière ». J’étais soulagé ! J’avais du mal à m’imaginer travailler dans un de ces bureaux, sans devenir morose ou devenir un « bureaucrate » comme à la MSA. Ici au moins on s’occupait et faisait tout pour nous aider !

       Il me restait encore à aller voir la DDA, l’administration qui était en charge des aides. « Des aides ? Pour quoi faire ? Je veux vivre du travail de mes mains ! » Mais mon interlocuteur, un homme un peu âgé, sans doute pas loin de la retraite, ne partageait pas mon point de vue. « Êtes-vous au courant du prix du lait, de la viande, et surtout de celui des agneaux ? Malheureusement aucun paysan, surtout ici en montagne, où le travail ne peut pas se faire avec des machines, ne peut vivre uniquement de ses ventes. Et connaissez-vous le prix d’un tracteur de montagne ? Trois fois le prix d’un normal ! Prenez les aides avec la conscience tranquille, et le plus possible ! », me conseilla-t-il. Il étudia un moment mes papiers. Voyant mon diplôme de maraîcher il fut intrigué et passa un coup de fil. Puis il m’expliqua que celui-ci correspondait au moins au BPA français et me donnait droit à une Dotation d’installation, la DJA, pour Jeunes Agriculteurs, une somme de 45 000 francs, car j’avais moins de 35 ans. « Ça doit être lié à quelques conditions. Je préfère rester maître chez moi ! », objectai-je. « Je pourrai vous donner des adresses de jeunes agriculteurs dans votre coin. Allez les voir et dites-leur que je vous envoie. Ils vont vous confirmer qu’ils ont toujours les mains libres. « La seule condition est de verser la TVA, la Taxe sur la Valeur Ajoutée de vos ventes, aux impôts. » Je voulais savoir de quoi il s’agissait, car la MWSt., son équivalent allemand, avait été introduit en Allemagne récemment. Et tout avait été plus cher ! « C’est simple : peu importe ce que vous achetez, vous payez une taxe dessus. En France c’est 16,8%. En achetant une débroussailleuse pour 1000 francs, vous avez payé 144 francs de taxes. Ils sont partis ! Si vous êtes assujetti à la TVA, vous récupérez cette somme. » Je ne voulais pas le croire. « L’état ne fait pas de cadeau ! Il ne fait que prendre ! », objectai-je. « Bien entendu, en contrepartie vous devez payer une taxe sur vos ventes. Mais sur les produits agricoles celle-ci est de 5,5%. Alors vous « gagnez » quand-même 90 francs ! », m’expliqua-t-il. « Faut que j’y réfléchisse ! Et pour tout ça il faut une sorte de comptabilité, car sans contrôle ça ne fonctionnerait pas !

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