Le Ciel De Nadira. Giovanni Mongiovì

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Le Ciel De Nadira - Giovanni Mongiovì

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de permettre tout le mal qui t’est arrivé. Je sais que le Christ et tous les saints t’ont déjà déçus une fois, quand tes prières ne furent pas accueillies tandis que tu espérais le retour de ton père. ”

      “ Rabel de Rougeville. ” murmura Corrado.

      Apollonia se tut subitement ; son frère était encore conscient. Avait-il entendu peu avant, sa déclaration d’amour…

      “ Corrado, mon frère, eh bien tu es vivant ! ”

      “ Rabel de Rougeville ! ” répétait-il sur un ton plus élevé et en un souffle, presque en pleurant et presque en criant.

      “ Rappelle-toi le saint qui protège ton père, appelle-toi à lui ! ” l’invita Apollonia pour tenter de le tenir éveillé et conscient.

      “ Saint André… ”

      “ ‘Agìou Andréas35. ” répéta Apollonia en Grec, c’est à dire la langue de la liturgie chrétienne en Sicile.

      En famille, Apollonia s’exprimait dans une sorte de latin parlé par le peuple et elle faisait de même, tant avec les chrétiens de Qasr Yanna qu’avec les nombreux indigènes convertis à l’islamisme. Quand toutefois, il s’agissait de prier, elle rafraîchissait son vieux grec… pour dire vrai même légèrement incompris. Au contraire, au Rabaḍ, étant un lieu restreint et habité en majorité par des circoncis, Apollonia et sa famille s’ex-primaient en arabe ; celui de la Sicile, désormais particulier par rapport à la langue du prophète. Parfois, elle utilisait même quelques paroles berbères qu’elle avait appris en entendant parler les femmes de cette lignée au puits, et les hommes dans les champs.

      Apollonia ferma les yeux et les mains jointes elle commença à réciter ses prières en invoquant Marie mère de Dieu, la Vierge, en faveur de Corrado. Naturellement elle priait à voix basse vu qu’il était interdit à un non musulman de faire entendre ses propres oraisons aux oreilles d’un croyant… et Idris était même trop proche.

      “ Mariám Theotókos, ‘et Parthénos36…» commença t-elle.

      Corrado entendit la voix d’Apollonia tout comme il entendait en ce mo-ment la voix de ses souvenirs, réveillés par l’image de la Madonne et des saints auxquels sa sœur s’adressait.

      Chapitre 8

      Début de l’été 1040 (431 de l’hégire), vallées à l’est de Tragina

      Les bannières indomptables s’agitaient au vent ; ce jour là le vent était incertain, même Dieu probablement ne savait de quel côté être… tout comme, au jugement des postérités incrédules, Dieu était confus par rap-port à qui il devait soutenir dans cette bataille. D’un côté, au cri de ”Alla-hu Akbar37”, les sarrasins de Sicile et d’Afrique – arrivés en support des premiers – prêts à rechasser l’envahisseur. De l’autre côté, vantant ” Le Christ gagne ”, les hommes à la solde de Constantinople, pour lesquels les envahisseurs étaient les autres.

      Invités par leur commandant, à l’abri entre Jebel38 et les Nébrodes, les hommes de Abd-Allah se prosternaient vers La Mecque et involontaire-ment vers l’armée ennemie. Les autres aussi étaient recueillis dans la prière, toutefois, non pas en une unique oraison harmonieuse, mais certains en latin et d’autres en grec.

      Le camp avait été monté à environ miles à l’est de la montagne contre laquelle est protégée la ville de Tragina39, et ici, parmi les tentes, Conrad avait observé son père s’éloigner avec l’armée toute entière, juste quelques heures auparavant.

      A l’exception de la présence d’un modeste village de marchands et paysans, il s’agissait d’une zone éloignée des centres habités, riche en bois d’un côté, sur les versants des montagnes les plus hautes, et de collines herbeuses adaptent au pâturage de l’autre côté. Un fleuve s’écoulait juste-ment au point le plus bas de la vallée, et de cela un petit ruisseau perdurait malgré l’été, assurant l’approvisionnement en eau aux soldats.

      Maintenant Conrad fixait le point au fond de la rue où il avait vu son père pour la dernière fois. Le matin, il l’avait aidé à porter sa cotte de maille avec une croix rouge sur la poitrine, sur sa tunique blanche. Il faisait déjà chaud durant les premières heures après l’aube, il avait donc tenu son casque à l’abri du soleil, pour qu’il soit plus frais quand son père l’au-rait mis. Comme dernier geste, avant de monter à cheval, Rabel avait froissé les cheveux de son fils et en échange Conrad lui avait passé la bannière et le casque. Puis un regard et il se confondit dans la marée humaine de soldats, en avançant vers la clairière juste hors du camp ; ici Georges Maniakès avait harangué ses troupes. Conrad était donc monté sur le tabouret à peine libéré par un frère bénédictin et avait essayé de trouver Rabel parmi les hommes réunis là au fond. Puis il avait vu Roul, sa tête et ses épaules planaient au dessus des autres, et il avait imaginé que son père pouvait être là.

      Ils savaient tous qu’il s’agissait de la bataille la plus importante de l’entière campagne sicilienne, toutefois Rabel avait essayé de cacher sa tension ce jour là, durant toutes les heures où il avait été avec son fils.

      “ Les autres, sont-ils nombreux ? ” avait demandé Conrad.

      Les guetteurs parlent surtout d’infanteries. Nous, nous avons un cheval ! ”

      “ Cette fois, je pourrai assister à la scène… ”

      “ Conrad, mon fils, je te l’aurai répété cent fois : reste ici avec les femmes, la servitude et les moines… ” expliqua Rabel, qui continua :

      “ Mais si les choses devaient tourner mal, aux premiers signes, sauve-toi sur la colline et cache-toi. ”

      “ Y a t-il cette possibilité ? Tancred et Roul disent que les choses iront comme elles ont été jusqu’à présent, c’est vrai, mais nous connaissons la situation. Et puis, évite de décourager les soldats ! ”

      Ainsi Rabel avait encouragé son fils.

      Il était déjà midi et dans le camp on respirait toute l’inquiétude pour cette difficile attente. De temps en temps quelqu’un revenait du camp pour communiquer des nouvelles concernant l’avancement de la bataille. Certaines parmi les jeunes filles de la servitude pleuraient car certainement liées à quelque soldat avec qui était né une liaison. Puis, un prêtre du camp s’approcha de Conrad qui était encore assit sur le tabouret, sous le soleil, et lui dit :

      “ Mon fils, ton père rentrera prématurément si tu restes là à fixer le fond de la route. ”

      Conrad le regarda du bas vers le haut. ” Voici un morceau de pain ! ” ajouta t-il.

      Le garçon l’attrapa et le mordit.

      “ Si tu as besoin de quelque chose pour occuper ton esprit outre que ton estomac, viens auprès de moi. ”

      Il le porta sur la colline sans végétation, aux tonalités dorées car brûlées par le soleil. Le sommet était dépourvu de terre, tout comme un grand ro-cher gris ardoise à la surface dentelée. La fronde d’une olive, la seule pré-sente, enracinée sur le côté de la formation rocheuse, était occupée par un petit troupeau de

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<p>35</p>

Agìou Andréas: ‘agìou en grec signifie ”saint”. Dans ce cas ”Saint André”.

<p>36</p>

Mariám Theotókos, ‘et Parthénos: du grec ”Marie Mère de Dieu, la Vierge”.

<p>37</p>

Allahu Akbar: littéralement ”Dieu est le plus grand”. Il s’agit d’une expression arabe commune dans le monde islamique et présente dans le Coran, dans la ṣalāt et dans l’adhān.

<p>38</p>

Jebel: littéralement ”mont”. En Sicilien, utilisé sans appellation, indiquait le mont par antonomase, c’est à dire l’Etna. A l’époque normande on finit par appeler le volcan ”mont Jebel” au point qu’il devint ”Mongibello”, c’est à dire ”mont mont”.

<p>39</p>

Tragina: antique nom de la localité de Troina, dans la province d’Enna.