Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne. Hugo Grotius
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne - Hugo Grotius страница 11
Note b: (retour) Louis Vivès, Espagnol, Professeur de Belles Lettres à Louvain & à Bruges, un des plus habiles Critiques du seizième siécle, cinq Livres de la Vérite de la Religion Chrétienne, en Latin. TRAD. DE PAR.
Note c: (retour) Philippe de Mornay, Sieur du Plessis Marly, de la Vérité de la Religion Chrétienne, contre les Athées, Épicuriens, &c. à Paris in-oct, 1582, en François, à Genève 1590. à Leyde 1651. On le trouve aussi en Latin & en Italien. TRAD. DE PAR.
Cependant, quelque jugement que d'autres puissent faire d'un nouvel ouvrage sur ce sujet, j'espère que vous serez assez équitable pour ne désaprouver pas qu'après avoir lu non seulement ces ouvrages dont je viens de parler, mais aussi ce que les Juifs ont écrit pour l'ancienne Religion Judaïque, & ce que les Chrétiens ont fait pour la défense du Christianisme, je ne me sois pas contenté de ce qu'ont dit tous ces Auteurs: mais qu'ajoûtant mes lumiéres aux leurs, j'aye donné à mon esprit la liberté dont j'étois moi-même privéd, lors que je fis cet Ouvrage. Je savois qu'on ne doit employer pour défendre la Vérité, d'autres armes que la Vérité même; que je ne pouvois apeller Vérité que ce qui m'avoit paru l'être; & qu'en vain j'entreprendrois de persuader les autres par des raisons qui ne m'auroient pas convaincu. Je choisis donc dans les Auteurs anciens & modernes les preuves qui m'avoient le plus frapé, je laissai celles qui me paroissoient les plus foibles, & en particulier je ne voulus tirer aucun avantage de certains livres dont les uns sont évidemment suposez, & dont les autres m'étoient suspects. Ayant fait ce choix, je donnai à mes preuves l'ordre le plus naturel qu'il me fut possible, je les énonçai d'une maniére proportionnée à la portée du peuple, & je les mis en vers, afin qu'elles fussent plus aisées à aprendre & à retenir.
Note d: (retour) L'Auteur étoit en prison quand il fit cet Ouvrage en vers Flamands; car ce fut à Paris qu'il le traduisit en Latin. TRAD. DE PAR.
Mon dessein étoit de travailler pour l'utilité de tous ceux de mon païs; mais j'avois sur-tout en vûe ceux qui vont sur mer, à qui je voulois procurer par là les moyens de bien employer le loisir qu'une longue navigation leur donne, & dont la plupart tâchent à dissiper l'ennui par des ocupations peu raisonnables.
Je commence cet ouvrage par les éloges des habitans de nos Provinces, auxquels aucun autre peuple ne peut sans doute disputer la gloire d'exceller dans l'art de la navigation. Je leur fais regarder cet avantage comme un éfet de la bonté de Dieu. Je les exhorte sérieusement à l'employer comme un moyen pour étendre le Christianisme, aussi bien que pour s'enrichir. Je leur fais remarquer que leurs longs voyages leur en fournissent l'occasion; qu'ils trouvent des Payens dans la Chine & dans la Guinée, des Mahométans dans la Turquie, dans la Perse & dans la Barbarie; que pour les Juifs, les plus déclarez ennemis du Christianisme, il y a peu de lieux sur la terre où ils ne soient répandus; qu'enfin, parmi les Chrétiens mêmes, il se trouve des Impies, qui dans l'ocasion versent adroitement dans l'esprit des Simples le venin de leurs sentimens, que la crainte leur fait ordinairement cacher; que c'est contre ces ataques que je voulois leur fournir des armes, dont les plus éclairez pourroient se servir pour combatre vigoureusement l'erreur, & les autres, pour s'en garantir.
Après cela j'entre en matiére; & afin de faire voir que la Religion n'est pas une chose vaine & imaginaire, j'en établis d'abord le fondement, renfermé dans cette proposition, qu'Il y a un Dieu. C'est ainsi que je le prouve.
Qu'il y a un Dieu.
II. Le sentiment & l'aveu de tout le monde mettent hors de doute qu'il y a des choses qui ont commencé d'être. Or ces choses ne se sont point produites elles-mêmes; car produire c'est agir. Or pour agir il faut exister. Par conséquent si elles se sont produites elles-mêmes, elles ont existé avant que d'être, ce qui est contradictoire. Il s'ensuit donc qu'elles ont tiré l'être de quelqu'autre principe. Pour fortifier cette preuve, j'ajoûte, qu'elle ne porte pas seulement sur les choses que nous voyons ou que nous avons vûes, mais aussi sur leurs causes, & sur les causes de ces causes; jusqu'à ce qu'enfin l'on remonte à un premier Principe, c'est à dire, à un Être qui n'ait jamais commencé, & qui existe nécessairement & par lui-même. Et c'est précisement ce Principe que nous apellons Dieu, & dont nous essayerons tantôt de découvrir la nature.
Ma seconde preuve est tirée du consentement manifeste de toutes les Nations du monde à croire une Divinité; au moins de celles en qui un naturel sauvage & farouche n'a point éteint les lumières de la Raison, & les idées du bien & du mal. Je dis donc que les choses qui ne viennent que d'un établissement purement humain, ont deux caractéres qui ne se trouvent point dans ce consentement unanime. Le premier, c'est d'être diférentes selon les païsA & selon les inclinations des peuples: le second, d'être sujettes à changer. Or comme l'a remarqué Aristote même, lequel on auroit tort de soupçonner de crédulité sur ce sujet, la créance d'une Divinité est généralement répandue par tout. D'ailleurs, comme l'a aussi reconnu ce Philosophe, le tems qui change toutes les choses de pure institution, n'a jamais pu altérer celle-ci. D'où vient donc cette créance, sinon d'une cause qui agit naturellement sur l'esprit de tous les hommes du monde? Or cette cause ne peut être que l'une de ces deux-ci: une révélation expresse, émanée de Dieu, ou une tradition, qui de main en main ait passé des premiers hommes jusques à nous. La premiére décide la question en notre faveur; puis qu'il n'y peut avoir de révélation divine, qu'il n'y ait un Dieu. Si l'on dit que c'est une tradition, qu'on nous aporte quelque raison, qui puisse nous faire croire que ces premiers hommes ont eu dessein, dans une afaire de cette importance, d'en imposer à toute leur postéritéB. Ajoutez à cela, que soit que nous jettions les yeux sur toutes les parties de l'ancien Monde, soit que nous regardions toutes celles du nouveau, nous ne verrons aucuns Peuples, (je ne parle pas de ceux qui n'ont presque de l'homme que la figure) nous ne verrons, dis-je, aucuns Peuples qui ne reconnoissent une Divinité, quoi qu'à dire vrai, la connoissance qu'ils en ont soit distincte ou confuse, à proportion de leur politesse & de leurs lumiéres. Or peut-on se persuader que ceux d'entre ces Peuples qui ont eu des lumiéres, ayent pu être trompez ou que ceux en qui l'on remarque de la stupidité, ayent pu entreprendre de se tromper les uns les autres?
Note A: (retour) On pourroit dire que la Religion est diférente selon les inclinations des peuples, mais ce n'est qu'à l'égard de telle ou telle Divinité particuliére, ou de la maniére de servir les Dieux; & non par raport à cette opinion générale, qu'il y a un Dieu, quel qu'il soit; & c'est de cela qu'il s'agit ici. TRAD.
Note B: (retour) Ou que l'on prouve qu'ils se sont eux-mêmes trompez; faute de quoi j'ai droit de conclurre, qu'ils ont été légitimement persuadez de cette vérité qu'ils ont transmise à leurs descendans. ADD. DU TRAD.
Que l'on n'objecte point ici ce peu d'hommes, qui dans un grand nombre de siécles ont cru, ou fait profession de croire, qu'il n'y a point de Dieu. Leur petit nombre, & l'oposition générale qu'ils ont rencontrée, lors qu'ils ont voulu introduire leurs sentimens, font voir que ces sentimens n'étoient pas le fruit du bon usage que ces gens faisoient de leur Raison; mais un éfet, ou de l'amour de la nouveauté, passion dont la bizarrerie a quelquefois été jusques à faire soutenir que la