Port-Tarascon: Dernières aventures de l'illustre Tartarin. Alphonse Daudet

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Port-Tarascon: Dernières aventures de l'illustre Tartarin - Alphonse Daudet

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Une boîte de petites perles blanches.

      — Un lot de numéros du Forum.

      M. Bécoulet: Quarante-cinq résilles en chenilles et perles pour les femmes indiennes.

      Mme Dourladoure: Six mouchoirs et six couteaux pour le presbytère.

      Anonyme: Une bannière brodée pour l'orphéon.

      Anduze, de Maguelonne: Un flamant empaillé.

      Famille Margue: Six douzaines de colliers de chiens.

      Anonyme: Une veste soutachée.

      Une dame pieuse de Marseille: Une chasuble, un orfroi de thuriféraire et un pavillon de ciboire.

      La même: Une collection de coléoptères sous verre.

      Et, régulièrement, dans chaque liste, était mentionné un envoi de

       Mlle Tournatoire: Costume complet pour habiller un sauvage. C'était sa préoccupation constante, à cette bonne vieille demoiselle.

      Tous ces dons bizarres, fantaisistes, où la cocasserie méridionale étalait son imagination, étaient dirigés par pleines caisses sur les docks, les grands magasins de la Colonie libre, établis à Marseille. Le duc de Mons avait fixé là son centre d'opérations.

      De ses bureaux, luxueusement installés, il brassait en grand les affaires, montait des sociétés de distillerie de canne à sucre ou d'exploitation du tripang, sorte de mollusque dont les Chinois sont très friands et qu'ils payent fort cher, disait le prospectus. Chaque journée de l'infatigable duc voyait éclore une idée nouvelle, poindre quelque grande machination qui le soir même se trouvait lancée.

      Entre temps, il organisait un comité d'actionnaires marseillais sous la présidence du banquier grec Kagaraspaki, et des fonds étaient versés à la banque ottomane Pamenyaï-ben-Kaga, maison de toute sécurité.

      Tartarin passait maintenant sa vie, une vie enfiévrée, à voyager de Tarascon à Marseille et de Marseille à Tarascon. Il chauffait l'enthousiasme de ses concitoyens, continuait la propagande locale, et tout à coup filait par l'express pour aller assister à quelque conseil, quelque réunion d'actionnaires. Son admiration pour le duc grandissait chaque jour.

      Il donnait à tous comme exemple le sang-froid du duc de Mons, la raison du duc de Mons:

      «Pas de danger qu'il exagère, celui-là; avec lui, pas de ces coups de mirage que Daudet nous a tant reprochés!»

      En revanche, le duc se montrait peu, toujours abrité sous sa gaze à moustiques, parlait encore moins. L'homme du Nord s'effaçait devant l'homme du Midi, le mettait sans cesse en avant et laissait à son intarissable faconde le soin des explications, des promesses, de tous les engagements. Il se contentait de dire:

      «Monsieur Tartarin connaît seul toute ma pensée.»

      Et vous jugez si Tartarin était fier!

      Chapitre III

       La «Gazette de Port-Tarascon». — Bonnes nouvelles de la colonie. — En Polygamille — Tarascon se prépare à lever l'ancre. — «Ne partez pas! Au nom du ciel, ne partez pas!»

      Un matin, Tarascon s'éveilla avec cette dépêche à tous les coins de rue:

       La «Farandole», grand voilier de douze cents tonneaux, vient de quitter Marseille au point du jour, emportant dans ses flancs, avec les destinées de tout un peuple, des pacotilles pour les sauvages et un chargement d'instruments aratoires. Huit cents émigrants à bord, tous Tarasconnais, parmi lesquels Bompard, gouverneur provisoire de la colonie, Bézuquet, médecin-pharmacien, le Révérend Père Vezole, le notaire Cambalette, cadastreur. Je les ai conduits moi-même au large. Tout va bien. Le duc rayonne, Faites imprimer.

      TARTARIN DE TARASCON.

      Ce télégramme, affiché dans toute la ville par les soins de Pascalon, à qui il était adressé, la remplit d'allégresse. Les rues avaient pris un air de fête, tout le monde dehors, des groupes arrêtés devant chaque affiche de la bienheureuse dépêche, dont les mots se répétaient de bouche en bouche:

      «Huit cents émigrants à bord… Le duc rayonne…» Et pas un

       Tarasconnais qui ne rayonnât comme le duc.

      C'était la deuxième fournée d'émigrants qu'un mois après la première emportée par le vapeur Lucifer, Tartarin, investi du beau titre et des importantes fonctions de gouverneur de Port- Tarascon, expédiait ainsi de Marseille vers la terre promise. Les deux fois, même dépêche, même enthousiasme, même rayonnement du duc. Le Lucifer, malheureusement, n'avait pas encore dépassé l'entrée de l'isthme de Suez. Arrêté là par un accident, son arbre de couche cassé, ce vieux vapeur acheté d'occasion devait attendre d'être rallié et secouru par la Farandole pour continuer sa route.

      Cet accident, qui aurait pu sembler de mauvais augure, ne refroidissait en rien l'enthousiasme colonisateur des Tarasconnais. Il est vrai qu'à bord de ce premier navire ne se trouvait que la rafataille; vous savez, les gens du commun, ceux qu'on envoie toujours en avant-garde.

      Sur la Farandole, de la rafataille encore, mêlée de quelques cerveaux brûlés, tels que le notaire Cambalalette, cadastreur de la colonie. Le pharmacien Bézuquet, homme paisible malgré ses formidables moustaches, aimant ses aises, craignant le chaud et le froid, peu porté aux aventures lointaines et périlleuses, avait longtemps résisté avant de consentir à s'embarquer.

      Il ne fallait rien moins pour le décider que le diplôme de médecin, envié pendant toute sa vie, ce diplôme que le gouverneur de Port-Tarascon lui décernait aujourd'hui de son autorité privée.

      Il en décernait bien d'autres, le gouverneur! des diplômes, des brevets, des commissions, nommant directeurs, sous-directeurs, secrétaires, commissaires, grands de première classe et de deuxième classe, ce qui lui permettait de satisfaire le goût de ses compatriotes pour tout ce qui est titre, honneur, distinction, costume et soutache.

      L'embarquement du Père Vezole n'avait rien nécessité de semblable. Une si brave pâte d'homme, toujours prêt à tout, content de tout, disant:

      «Dieu soit loué! À tout ce qui arrivait. Dieu soit loué! Quand il avait dû quitter le couvent; Dieu soit loué! Quand il s'était vu fourrer à bord de ce grand voilier, pêle-mêle avec la rafataille, les destinées de tout un peuple et les pacotilles pour sauvages.

      La Farandole partie, il ne restait plus que la noblesse et la bourgeoisie. Pour ceux-ci, rien ne pressait: ils laissaient à l'avant-garde le temps d'envoyer des nouvelles de son arrivée là- bas, afin qu'on sût à quoi s'en tenir.

      Tartarin, lui non plus, en sa qualité de gouverneur, d'organisateur, de dépositaire de la pensée du duc de Mons, ne pouvait quitter la France qu'avec le dernier convoi. Mais en attendant ce jour impatiemment désiré, il déployait cette énergie, ce feu au corps que l'on a pu admirer dans toutes ses entreprises.

      Sans cesse en route entre Tarascon et Marseille, insaisissable comme un météore qu'emporte une invisible force,

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