Port-Tarascon: Dernières aventures de l'illustre Tartarin. Alphonse Daudet

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Port-Tarascon: Dernières aventures de l'illustre Tartarin - Alphonse Daudet

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le grand homme arrivait à la pharmacie, le front fumant, le dos arrondi.

      Mais Tartarin se redressait:

      «Je me reposerai là-bas. À l'oeuvre, Pascalon, à l'oeuvre!»

      L'élève chargé de la garde de la pharmacie depuis le départ de Bézuquet, cumulait avec cette responsabilité de bien plus importantes fonctions.

      Pour continuer la propagande si bien commencée, Tartarin publiait un journal, la Gazette de Port-Tarascon, que Pascalon rédigeait à lui seul de la première à la dernière ligne, d'après les indications, et sous la direction suprême du gouverneur.

      Cette combinaison nuisait bien un peu aux intérêts de la pharmacie; les articles à écrire, les épreuves à corriger, les courses à l'imprimerie, ne laissaient guère de temps aux travaux d'officine, mais Port-Tarascon, avant tout!

      La Gazette donnait chaque jour au public de la métropole les nouvelles de la colonie. Elle contenait des articles sur ses ressources, ses beautés, son magnifique avenir; on y trouvait aussi des faits divers, des variétés, des récits pour tous les goûts.

      Récits de voyages à la découverte des îles, conquêtes, combats contre les sauvages, pour les esprits aventureux. Aux gentilshommes campagnards, des histoires de chasse à travers les forêts, d'étonnantes parties de pêche sur des rivières extraordinairement poissonneuses, avec description des méthodes et des engins de pêche des naturels du pays.

      Les gens plus, paisibles, boutiquiers braves bourgeois sédentaires, se délectaient à la lecture de quelque frais déjeuner sur l'herbe au bord d'un ruisseau à cascade, sous l'ombre de grands arbres exotiques; ils y croyaient être, et sentaient gicler sous leurs dents le jus des fruits savoureux, mangues, ananas et bananes.

      «Et pas de mouches!» disait le journal, les mouches étant, comme on sait, le trouble-fête de toutes les parties de campagne en terre de Tarascon.

      La Gazette publiait même un roman, la Belle Tarasconnaise, une fille de colon enlevée par le fils d'un roi papoua; et les péripéties de ce drame d'amour ouvraient aux imaginations des jeunes personnes des horizons sans fin. La partie financière donnait le cours des denrées coloniales, les annonces d'émission des bons de terre et des actions de sucrerie ou de distillerie, ainsi que les noms des souscripteurs et les listes de dons en nature qui continuaient à affluer, avec l'éternel «costume pour un sauvage» de Mlle Tournatoire.

      Pour suffire à de si fréquents envois, il fallait que la bonne demoiselle eût installé chez elle de véritables ateliers de confection. Du reste elle n'était pas la seule que ce prochain déménagement pour des îles inconnues et si lointaines eût jetée en d'étranges préoccupations.

      Un jour Tartarin se reposait tranquillement chez lui, dans sa petite maison, ses babouches aux pieds, douillettement enveloppé de sa robe de chambre, pas inoccupé cependant, car près de lui, sur sa table, s'éparpillaient des livres et des papiers: les relations de voyages de Bougainville, de Dumont-Durville, des ouvrages sur la colonisation, des manuels de cultures diverses. Au milieu de ses flèches empoisonnées, avec l'ombre du baobab qui tremblotait minusculement sur les stores, il étudiait «sa colonie» et se bourrait la mémoire de renseignements puisés dans les livres. Entre temps il signait quelque brevet, nommait un grand de première classe ou créait sur papier à tête un emploi nouveau pour satisfaire, autant que possible, le délire ambitieux de ses concitoyens.

      Tandis qu'il travaillait ainsi, ouvrant de yeux et soufflant dans ses joues, on lui annonçait qu'une dame voilée de et qui refusait de dire son nom, demandait à lui parler. Elle n'avait même pas voulu entrer, et attendait dans le jardin, où il courut précipitamment, en pantoufles et en robe de chambre.

      Le jour finissait, le crépuscule rendait déjà les objets indistincts; mais, malgré l'ombre tombante et l'épaisse voilette, rien qu'au feu des yeux ardents qui brillaient sous le tulle, Tartarin reconnut sa visiteuse:

      «Madame Excourbaniès!

      — Monsieur Tartarin, vous voyez une femme bien malheureuse.»

      La voix tremblait, lourde de larmes. Le bonhomme en fut tout ému et l'accent paternel:

      — Ma pauvre Evelina, qu'avez-vous?… Dites…»

      Tartarin appelait ainsi par leur petit nom à peu près toutes les dames de la ville, qu'il avait connues enfants, qu'il avait mariées comme officier municipal, restant pour elles un confident, un ami, presque un oncle.

      Il prit le bras d'Evelina, la fit marcher en rond autour du petit bassin aux poissons rouges, pendant qu'elle lui contait son chagrin, ses inquiétudes conjugales.

      Depuis qu'il était question de s'en aller coloniser au loin, Excourbaniès prenait plaisir à lui dire à propos de tout sur un ton de menace gouailleuse:

      «Tu verras, tu verras, quand nous serons là-bas, en Polygamille.

      Elle, très jalouse, mais aussi naïve, même un peu bêtasse, prenait au sérieux cette plaisanterie.

      «Est-ce vrai, cela, monsieur Tartarin, que dans cet affreux pays les hommes peuvent se marier plusieurs fois?

      Il l'a rassura doucement.

      «Mais non, ma chère Evelina, vous vous trompez. Tous les sauvages de nos îles sont monogames. La correction de leurs moeurs est parfaite, et, sous la direction de nos Pères-Blancs, rien à craindre de ce côté-là.

      Pourtant, le nom même du pays?… Cette Polygamille?…»

      Alors seulement il comprit la drôlerie de ce grand farceur d'Excourbaniès, et partit d'un joyeux éclat de rire.

      «Votre mari se moque de vous, ma petite. Ce n'est pas la Polygamie que le pays s'appelle, c'est Polynésie, ce qui signifie: groupe d'îles, et n'a rien pour vous alarmer.»

      On en a ri longtemps dans la société tarasconnaise!

      Cependant les semaines passaient et toujours pas de lettres des émigrants, rien que des dépêches communiquées de Marseille par le duc. Dépêches laconiques, expédiées à la hâte d'Aden, de Sydney, des différentes escales de la Farandole.

      Après tout, on ne devait pas trop s'étonner, étant donné l'indolence de la race.

      Pourquoi auraient-ils écrit? Des télégrammes suffisaient bien; ceux qu'on recevait, régulièrement publiés par la Gazette n'apportaient d'ailleurs que de bonnes nouvelles:

       Traversée délicieuse, mer d'huile, tous bien portants.

      Il n'en fallait pas plus pour entretenir l'enthousiasme.

      Un jour enfin, en tête du journal, parut la dépêche suivante expédiée toujours via Marseille:

       Arrivés Port-Tarascon. — Entrée triomphale — Amitié avec naturels venus au-devant sur la jetée — Pavillon tarasconnais flotte sur maison de ville — Te Deum chanté dans l'église métropolitaine — Tout est prêt, venez vite.

      À la suite, un article dithyrambique, dicté par Tartarin, sur l'occupation de la nouvelle patrie, sur la jeune ville fondée, la visible protection de Dieu, le drapeau

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